ce siècle que dans tout autre. Les marchandises n’ont pas d’opinions politiques ; le seul principe qu’elles admettent est que tout ce qui entrave la faculté d’aller et de venir et le droit de libre circulation est pernicieux et funeste. La frontière politique du Mein serait devenue insupportable aux populations du sud, si elle s’était transformée tout à coup en ligne de douanes. Il y parut bien quand en Bavière la chambre haute fit mine de rejeter le traité douanier ; la boutique et le comptoir s’émurent, s’ameutèrent ; les meetings succédèrent aux meetings, effrayée de cet orage, la chambre des pairs courba la tête : la raison d’état est bien forcée de capituler quand elle a contre elle les affaires et ceux qui les font.
Le cabinet de Berlin, qui connaissait l’état des esprits, en profita pour faire ses conditions, pour prendre tous ses avantages et pour investir le roi de Prusse de l’hégémonie économique de l’Allemagne. Amoureux, non sans raison, de la constitution qu’il venait de donner au Nordbund, M. de Bismarck ne put rien imaginer de mieux que de l’étendre à l’union douanière. Le nouveau Zollverein se trouvait ainsi nanti d’un président, qui était le roi de Prusse, et de deux chambres, dont l’une n’était que le Bundesrath agrandi et l’autre le Reichstag avec une rallonge. Cette organisation ne pouvait produire que d’excellens résultats. Commissaires et députés du sud devaient faire dorénavant, à époques réglées, le voyage de Berlin pour venir siéger dans le Zollbundesrath ou dans le Zollparlament. Il était bon que ces Souabes, ces Bavarois, si casaniers, si attachés à leurs habitudes, fussent obligés de respirer de temps à autre l’air de la Prusse, le pays le plus parlementaire de l’Europe, puisqu’il possède désormais trois parlemens et six chambres, toutes gouvernées par M. de Bismarck. On pouvait se flatter de commencer ainsi le dressage politique du sud, de l’initier par un laborieux noviciat aux institutions du nord, de lui en faire prendre l’esprit et le pli. Qui ne sait qu’en fait d’éducation les commencemens sont tout ? Les Allemands du midi n’acceptèrent pas sans effroi des conditions qui leur paraissaient menaçantes pour leur indépendance. Ce qui les inquiétait le plus, c’étaient les privilèges conférés à la présidence, c’est-à-dire à la Prusse, le droit qu’elle s’arrogeait de conclure de son chef, sauf ratification du parlement, des traités de commerce et de navigation avec l’étranger, le veto qui lui était attribué en matière de lois et de règlemens administratifs, l’atteinte dangereuse qu’on portait à l’autonomie des états en englobant dans les objets de législation commune l’imposition du sel et du tabac indigènes. La Bavière s’efforça d’obtenir de Berlin quelques concessions. On lui octroya six voix au lieu de quatre dans le Bundesrath, et la promesse que, nonobstant le droit d’initiative réservé à la Prusse