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personne, il faut bien reconnaître que, parmi les clauses de l’instrument de Nikolsbourg, les unes ne sont plus vraies, les autres ne l’ont jamais été. Si l’on ramène ces clauses à leur plus simple expression, qu’en devait-il sortir? Une nouvelle Allemagne d’où l’Autriche était exclue et qui aurait compris deux confédérations distinctes, l’une au nord du Mein, l’autre formée des états allemands du midi, et à laquelle on garantissait « une existence indépendante et internationale. » Or la première n’est qu’une confédération fictive et transitoire dont le véritable caractère devient d’année en année plus manifeste; la seconde n’a jamais existé, et, selon toute apparence, n’existera pas de longtemps.

Pourquoi le Südbund s’est-il dissipé en fumée? Ce n’est la faute de personne, disent les uns, il ne faut s’en prendre qu’à la résistance des choses. C’est la faute de tout le monde, disent les autres, mais surtout de Baden et de la Prusse, bien que sur ce point la Prusse réclame quittance et décharge. Il semble, à la vérité, qu’il était dans son intérêt de faire avorter un projet qui fortifiait l’indépendance du sud, et sanctionnait le partage de l’Allemagne. Il faut convenir cependant que, quels que fussent ses désirs ou ses appréhensions secrètes, le cabinet de Berlin n’a pas eu besoin de se remuer; les circonstances travaillaient pour lui. Ce n’est pas que le Südbund n’eût ses partisans et ses avocats. Vienne a de bonnes raisons pour souhaiter l’entière exécution du traité de Prague; il ne peut lui convenir d’en laisser certains articles en suspens et en souffrance; il lui importait que toutes les situations fussent définitivement réglées, que les populations du midi eussent un domicile fixe et assuré; il lui déplaisait qu’elles demeurassent dans la rue, soucieuses du lendemain et en quête d’un gîte. La France aussi était favorable en principe au Südbund, ne pouvant voir que de bon œil tout ce qui est propre à garantir la durée du statu quo; mais son désir n’était pas une de ces passions de feu qui affrontent les difficultés et les périls pour se satisfaire. Tout compté, la confédération du midi, à s’en tenir aux termes du contrat, n’était pas faite pour inspirer à ceux-ci des craintes sérieuses, pour être souhaitée ardemment par ceux-là; à la bonne heure si l’on eût stipulé à Nikolsbourg que cette confédération, à laquelle on reconnaissait une existence internationale, jouirait aussi, comme la Suisse ou la Belgique, d’une neutralité cautionnée par l’Europe. Non-seulement les traités se taisaient sur cet article; de peur qu’on n’arguât de leur silence même, la Prusse se hâta de conclure une alliance offensive et défensive avec les gouvernemens du sud. Bien qu’elle ne s’abusât point sur l’utilité pratique de cette alliance, elle était bien aise de poser en principe que le midi de l’Allemagne n’était pas un terri-