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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 86.djvu/70

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imposaient les circonstances en l’accompagnant d’autres réformes plus populaires. On les prenait pour des malades condamnés par leur médecin ; ils étaient bien aises de prouver qu’ils en appelaient.

Ce n’est pas à dire que le système de gouvernement qui prévaut encore dans l’Allemagne du sud soit le pur régime parlementaire. Qui dit parlementarisme dit trois choses : — une royauté toujours prête à sacrifier ses préférences et ses idées personnelles aux oscillations de l’opinion publique dont elle accepte les arrêts, — un gouvernement pris dans la majorité des chambres et qui en est l’expression fidèle, — par suite un ministère homogène et solidairement responsable. Le régime parlementaire est au régime personnel ce qu’est au dogmatisme en matière de sciences le système expérimental, qui leur a rendu de si grands services. Les peuples libres font des expériences, et la royauté s’y prête en s’appliquant à en conjurer les périls. Si l’expérience réussit, le souverain en profite ; si elle échoue, il se sert des mécomptes de la nation pour la ramener à ses propres idées. Dans l’Allemagne du sud, où le sentiment dynastique a conservé je ne sais quoi de patriarcal, la royauté ne se croit point obligée aux sacrifices et aux abstentions qu’elle s’impose en Angleterre et en Belgique. Si constitutionnel qu’y soit le souverain, il y a en lui du père de famille, qui se fait un devoir, dans les cas graves, de dire hautement ce qu’il pense, ce qu’il redoute, ce qu’il désire, et de donner à ses sujets les avertissemens et les conseils que lui inspire sa prudence. C’est ainsi qu’on a vu dernièrement, lors de la discussion des traités, le roi de Wurtemberg peser de toute son influence sur les députés pour vaincre une opposition qu’il croyait funeste aux intérêts du pays. C’est de plus un principe reçu dans ces états que le choix des ministres est une prérogative de la couronne, ce qui rend impossible l’homogénéité rigoureuse et la responsabilité collective des ministères. Les Allemands, qui ne craignent pas les complications, ne cherchent pas à simplifier la politique. Ceux du midi ne sauraient admettre le régime personnel, ils ne professent point non plus dans sa rigueur la doctrine de la souveraineté du peuple. Le pied sur lequel vivent chez eux les princes et les parlemens est un respect réciproque, qui les empêche d’entreprendre les uns sur les autres, qui résout par des compromis les difficultés qui peuvent surgir : système bien différent de celui qu’on voit dans un pays où le gouvernement porte des défis à ses chambres, parce que dans ce pays il n’y a de vraiment solide que l’administration et l’armée, et que les libertés octroyées n’y ont encore qu’une existence précaire et toute de tolérance. « L’âme de la Prusse, a dit récemment un Prussien, est la royauté, et cette royauté est essentiellement militaire et féodale… Les événemens