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prospérité et notre bonheur menacés par les charges toujours croissantes qu’impose au peuple un gouvernement militaire, lequel demande des soldats et encore des soldats, de l’argent et toujours de l’argent. »


III

Ce qui ajoute aux difficultés de la question allemande, c’est que les deux royaumes et les deux grands-duchés dont se compose l’Allemagne du midi sont bien liés entre eux par des relations d’amitié et de bon voisinage, par des traditions, par des intérêts semblables, mais que cependant ils diffèrent trop les uns des autres pour pouvoir s’associer et faire corps. Ils se ressemblent tous en ceci, que chacun d’eux ressemble fort peu à la Prusse, et que le régime prussien, transporté chez eux, choquerait leurs habitudes et leurs idées. Toutefois, si le voyage est long de Berlin à Munich, on voyage aussi en se transportant de Munich à Stuttgart, et le Wurtemberg réserve bien des étonnemens à celui qui penserait y retrouver les mœurs et le tour d’esprit bavarois. Si l’on veut juger impartialement la politique qu’ont suivie les états du sud depuis 1866, il faut se rendre compte du caractère particulier des peuples et de la nature des difficultés qu’avait à surmonter chacun de leurs gouvernemens.

Il serait permis, dans cette revue, de ne citer Hesse-Darmstadt que pour mémoire à cause de la situation toute spéciale que lui ont faite les traités en incorporant dans la confédération du nord la partie du grand-duché située sur la rive droite du Mein, c’est-à-dire la province de la Hesse supérieure et les communes de Kastel et de Kostheim, soit une population de 250,000 âmes sur 800,000. La province de Starkenbourg, dont Darmstadt est le chef-lieu, et la Hesse rhénane gardaient leur indépendance, mais écornée, amoindrie et compromise par des conventions que le vainqueur avait dictées. L’administration des postes et des télégraphes du grand-duché a passé aux mains de la Prusse, et ses troupes font partie intégrante de l’armée fédérale. Organisées à la prussienne, elles sont, en temps de paix comme en temps de guerre, sous le commandement du roi de Prusse avec cette seule restriction, que la nomination des généraux, hormis celle du commandant divisionnaire, n’a pas besoin d’être sanctionnée par lui, et qu’en temps de paix il renonce à l’exercice de sa juridiction militaire. Ajoutons que le grand-duché a dû céder Mayence à la Prusse ; non-seulement elle y tient seule garnison, elle s’est subrogée à tous les droits qu’exerçait la confédération germanique à l’égard du gouvernement territorial. Ce modus vivendi n’a pas un caractère strictement juridique ; mais la Prusse a la possession de fait, et l’on ne voit pas trop qui