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Et qu’obstinée à vivre en ce peu de matière
Leur beauté paraît mieux en ruines qu’entière!

Rome, novembre 1866.


LES MARBRES.


Ce qui rend les villas charmantes,
C’est, plus encor que les gazons,
Et la grâce des horizons,
Et le rêve des eaux dormantes,

C’est plus que l’air délicieux
Et le vert sombre des vieux arbres,
C’est le candide éclat des marbres
Sur l’azur intense des cieux :

Ceux que l’Attique et la Toscane
Baignent d’un jour immense et clair,
Le paros, beau comme la chair,
Le pentélique diaphane.

Et le carrare aux fins cristaux
Qu’un rayon de soleil irise,
Blocs de neige que divinise
La sainte audace des marteaux !

Qu’on polisse le rouge antique,
Le turquin bleu, le noir portor
Où serpentent des veines, d’or.
Et le cipolin granitique,

L’antin jaune ou couleur de sang,
Le vert de Florence et de Suse,
Celui de Gênes qui ne s’use
Que limé par un bras puissant,

Qu’ils quittent la nuit des carrières
Pour l’ombre d’un palais chagrin,
J’aime mieux dans l’éther serein
Le marbre blanc, ce lis des pierres !

Jeune, éblouissant, virginal.
Et façonné par le génie,
Il est le seul qui montre unie
La matière au pur idéal !

Villa Borghèse, janvier 1860.