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des retranchemens qu’il savait ne renfermer que des fantassins ; mais ses braves Turcs et Kabyles, s’échauffant au combat, outrepassèrent les ordres timides de leur maître.

Les cavaliers arabes s’étaient d’abord répandus sur tout le front du camp pour jeter de l’incertitude sur leurs desseins ; ils se concentrèrent même peu à peu vers la gauche de la position, où le feu devint nourri ; puis tout à coup, à l’extrême droite, les troupes régulières du bey, précédées et suivies par des essaims de Kabyles, s’avancèrent, au bruit d’une musique infernale et avec des cris rauques, vers un mamelon qui domine, à portée de fusil, l’intérieur de l’ouvrage.

Le général Rulhières avait deviné cette manœuvre. Pendant la nuit précédente, ce point, le plus faible d’une position déjà très faible par elle-même, avait été garni d’abattis dont la défense était confiée au lieutenant-colonel de Lamoricière avec un bataillon de zouaves, les compagnies d’élite des 47e et 2e légers, et deux obusiers de montagne. La mitraille et la fusillade des troupes embusquées derrière ces parapets improvisés arrêtent les musulmans, mais sans amortir une ardeur nécessairement stérile avec un chef comme Achmed, qui n’a jamais essayé d’enlever un convoi, et qui attend, pour envoyer ses soldats se faire tuer en nous attaquant, que les retranchemens, dont on n’a point entravé la construction, soient terminés. Une dernière fois, les Turcs remontent intrépidement jusque sur la crête du mamelon ; une sortie, faite avec élan et à propos par les Français, ne laisse pas aux ennemis, qui tourbillonnent et plient de nouveau, le temps d’emporter tous les morts dont le sol est jonché. Ils redescendent du mamelon et se cachent dans les plis du terrain ; ils continuent à grande portée une fusillade sans but, qui était plutôt une déclaration de guerre qu’un danger, et, lorsqu’ils ont épuisé leurs munitions, ils se retirent, donnant rendez-vous aux chrétiens devant Constantine.

Huit jours après, les Français étaient en route pour répondre à cette dernière et insolente provocation[1].

  1. L’armée expéditionnaire était ainsi composée :
    Général en chef, lieutenant-général comte de Damrémont ;
    Chef de l’état-major général, baron de Perregaux ;
    Commandant en chef l’artillerie, lieutenant-général comte Valée ;
    Commandant en second, général marquis de Caraman : quatre batteries de siège et le parc ;
    Commandant en chef le génie, lieutenant-général baron Rohault de Fleury ;
    Commandant en second, général Lamy : deux compagnies de mineurs, huit de sapeurs et le parc ;
    Intendant de l’armée, sous-intendant, M. d’Arnaud. Cinq compagnies du train, l’ambulance et le convoi.