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font illusion. Nul ne peut affirmer que l’esprit de cette grande religion ait dit son dernier mot en l’an 70 du XIXe siècle. Des prophéties de ce genre seraient bien gratuites en présence du travail qui se fait en ce moment dans toutes les églises du christianisme.

Quoi qu’il en soit de l’avenir, l’histoire de la pensée chrétienne, au point où elle est arrivée, est déjà une grande et riche histoire, pleine d’enseignemens de toute nature, où l’abondance des discussions et l’extrême variété des formules peuvent à première vue cacher au regard de l’historien l’ordre simple et vraiment admirable de son développement. Cette histoire nous semble pouvoir se résumar en deux séries de mouvemens en sens contraire dont l’une procède constamment par voie d’addition du simple au composé, et l’autre non moins invariablement du composé au simple par voie de réduction. A partir de la doctrine du Christ, on peut suivre la pensée chrétienne à travers les progrès de son développement et de son organisation, de Jésus à Paul, de Paul à Jean, de Jean aux grands conciles de Nicée et de Constantinople, de ces conciles à la théologie du moyen âge et au gouvernement de la papauté, en observant comment le christianisme se complète et se complique de plus en plus par l’introduction de dogmes et d’institutions moins conformes peut-être à son principe qu’à l’esprit des temps qu’il a traversés. Puis on le voit, sous le souffle de l’esprit moderne, remonter le courant qu’il avait descendu jusque dans les bas-fonds du moyen âge, et retrouver ainsi, à travers la renaissance, la réforme et la philosophie, les pures et hautes sources où il avait primitivement puisé, en laissant au catholicisme romain sa discipline étroite et son dogmatisme scolastique. Voilà comment l’ancien et le nouveau christianisme vont se rejoindre et se confondre sous des noms différens et avec des origines bien diverses. C’est en le ramenant à son principe que les réformateurs et les rénovateurs modernes et contemporains entendent le rajeunir et le renouveler, de manière qu’il puisse être encore la religion de l’avenir. Jusqu’à quel point cette thèse est-elle fondée sur l’histoire du christianisme? L’identité du point de départ et du terme de son développement est-elle aussi réelle qu’il y paraît? La loi de complication et de simplification qu’on croit avoir reconnue dans les deux séries historiques de ce développement ressort-elle véritablement de l’exposé des faits? Tels sont les problèmes historiques que font naître la plupart des publications contemporaines sur la question religieuse, et particulièrement celles qui se rattachent au grand mouvement de réforme qui se développe dans les deux mondes sous le nom de christianisme libéral. Nous avons cru le sujet assez intéressant pour retracer en quelques traits le tableau des phases diverses par lesquelles a passé le christianisme depuis le sermon sur