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vigueur en Prusse. En Angleterre, outre les dîners à payer, le candidat doit, ou suivre des cours pendant trois ans, ou subir un examen final devant la corporation. En Belgique, le conseil académique de l’université de Gand avait dès 1836 demandé que l’examen nécessaire pour l’exercice d’une profession fût seul subi devant un jury, et que les grades académiques fussent accordés par toutes les universités, sans qu’il en résultât aucun effet civil. « S’il est essentiel à la société, disait le rapport, que nul ne puisse pratiquer la médecine et la jurisprudence sans avoir fait ses preuves devant un jury commun, il n’existe pas de motifs pour que des examens préalables, qui par eux seuls ne confèrent aucun droit dans la société, soient soumis à la même condition, surtout lorsque cette condition paraît nuire tant à la valeur réelle de ces examens qu’à la direction et au succès des études. » L’université de Liège s’est prononcée en faveur de ce système chaque fois que le gouvernement a cru devoir la consulter, et plusieurs de ses professeurs l’ont exposé et défendu dans des écrits où la question est envisagée sous toutes ses faces[1]. Parmi les hommes de quelque autorité qui partagent cette opinion, on peut citer le ministre actuel des finances, M. Frère-Orban. En France, c’est exactement le même système que réclame le clergé. La pétition récemment adressée à la haute commission d’enquête par les ecclésiastiques du nord-est demande que « les facultés libres aient le droit de conférer les mêmes grades, donnant les mêmes privilèges que les diplômes conférés par les facultés de l’état. L’état, pour assurer son contrôle, pourrait établir à l’entrée des carrières publiques des examens professionnels, soit locaux, soit généraux, également obligatoires pour les gradués des facultés officielles et pour ceux des facultés libres. » L’organisation des jurys recommandée par M. Albert Duruy ressemble beaucoup à celle qu’ont préconisée les universités de l’état belge et le clergé français, sauf que M. Duruy l’applique à tous les examens. Le législateur, en l’adoptant, aurait cette rare bonne fortune de satisfaire à la fois les différens partis. D’où provient cet accord exceptionnel ? De ce que la liberté répond aux vœux de tous, chacun espérant, par ses efforts, l’emporter sur ses concurrens.

Les avantages de ce système sont nombreux et grands. C’est le seul qui soit conforme au principe de la liberté de l’enseignement, le seul qui rende ce principe fécond. De cette façon, chaque faculté, officielle ou libre, organise son enseignement comme elle l’entend,

  1. On pourra consulter, entre autres, les publications suivantes : Réforme de l’enseignement supérieur, par M. Trasenster, de la faculté des sciences, — la Liberté de l’enseignement et la science, par M. Spring, de la faculté de médecine, et l’Introduction au remarquable ouvrage que M. Alphonse Le Roy, de la faculté des lettres, vient de consacrer à l’histoire de l’université de Liège.