suffrage universel[1]. Cette levée de boucliers de l’ennemi commun produisit un effet magique ; on se tendit la main, et le raccommodement dure encore, les libéraux votant à regret les dépenses militaires, le gouvernement leur proposant des lois qui ne lui plaisent qu’à moitié, les deux alliés se consolant de leurs amertumes par des mesures de rigueur contre leurs communs adversaires, lesquelles sont souvent impolitiques, et ne sont pas toujours conformes à la justice.
Il est regrettable, dans l’intérêt du grand-duché, que la tentative d’Offenbourg ait avorté. Elle aurait mis fin à la coalition forcée d’un gouvernement et d’un parti qui ne s’entendent guère et qui ne s’aiment que par intermittence. Elle aurait pu donner à Baden ce qui lui manque, un tiers-parti, un centre parlementaire et une assiette politique plus solide. Le premier devoir d’un gouvernement est d’avoir l’esprit gouvernemental, et ce serait un bonheur pour le grand-duché que la formation d’un ministère qui, dans les affaires allemandes, concilierait le patriotisme avec la sagesse, et au dedans inaugurerait une politique de ménagement et d’apaisement. Les passions compromettent les principes, et on ne résout rien en fermant des couvens, en multipliant les poursuites judiciaires et les procès de presse, en refusant aux corporations religieuses la faculté d’ouvrir des écoles, et en proposant sur les fondations une loi qui passe le rouleau sur les droits acquis. C’est aux petits pays à donner l’exemple de la justice, et la justice n’est sauvegardée que par les grandes réformes ; les demi-mesures la mettent en péril. Le parti libéral badois et les hommes distingués qui sont à sa tête rendraient service à l’Europe, s’ils se proposaient de résoudre les premiers le grand problème de la séparation de l’église et de l’état. Ce qui ne s’est pas fait se fera peut-être. Baden n’est pas seulement le pays des imbroglios, mais des réactions subites, des remous politiques, des flux et des reflux. En attendant de savoir quel effet y produiront les changemens apportés récemment au système électoral, il est intéressant de remarquer ce qu’il y a d’artificiel dans la situation présente du grand-duché et les. ressorts secrets qui y font mouvoir la machine politique. Il est curieux aussi de constater que le seul des états du sud qui réclame sa part dans les bienfaits de l’hégémonie prussienne est celui qui aurait le plus de peine à s’accommoder du régime prussien, car, s’il est quelque, chose qui diffère, plus encore de la Prusse que le conservatisme bavarois et le libéralisme souabe, c’est le radicalisme badois.
VICTOR CHERHULIEZ
- ↑ Dans le duché de Baden, démocrates et ultramontains, unis par un éloignement commun pour la Prusse, réclament le suffrage universel et direct, qui modifierait la représentation des partis dans la chambre élective. Les élections douanières en font foi.