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carte; les directeurs, les conservateurs, les propriétaires, étaient à leur poste, prêts à donner toutes les explications, à répondre à toutes les questions. A des jours fixés d’avance, ils faisaient tour à tour de véritables conférences en présence des richesses scientifiques réunies et méthodiquement classées par eux-mêmes, passant d’une vitrine à l’autre, plaçant entre nos mains les objets les plus remarquables, mêlant à leurs démonstrations ces réflexions, ces aperçus, que l’on ne trouve dans aucun livre, qui jaillissent de la conversation et ouvrent parfois les plus nouveaux horizons. La matinée passait vite au milieu de pareilles études. A une heure, on se réunissait dans la grande salle de l’université pour n’en sortir qu’à quatre ou cinq heures; on y revenait à huit heures. Là, chacun apportait le résultat de ses travaux, préparés d’avance ou improvisés sur les lieux. La lecture des mémoires, les communications verbales se succédaient et soulevaient des discussions chaque jour plus instructives. Nous tous, enfans des contrées méridionales, nous écoutions surtout avec une attention presque anxieuse ces savans du nord, que nous étions venus interroger, les Milsson, les Steenstrup, les Worsaae et leurs élèves, devenus autant de collaborateurs éminens. Toutefois cette juste déférence n’arrêtait pas la liberté de l’examen, et plus d’une fois, sans cesser de rendre hommage à leurs maîtres, les disciples les ont combattus.

Au sortir de ces séances si pleines, il fallait bien songer aux nécessités de la vie. Ici encore M. Schmidt et ses collègues avaient tout prévu. Dans un des premiers restaurans de la ville, ils avaient retenu quelques salons qui devinrent le siège d’un cercle temporaire. Les publications périodiques, des brochures, de grands ouvrages, y avaient été réunis. Une table à prix convenus et modestes était réservée aux membres du congrès; mais la plupart d’entre eux n’y prirent place que rarement, grâce à l’hospitalité danoise. Le premier empressement, loin de diminuer, semblait croître de jour en jour. C’était à qui nous introduirait dans sa maison, à qui nous aurait comme convives, à qui nous ferait le mieux les honneurs du pays. Hommes d’état en retraite ou encore mêlés aux luttes quotidiennes, professeurs de l’université ou des collèges, publicistes, magistrats, négocians, banquiers, simples bourgeois, rivalisaient à cet égard. C’est ainsi qu’isolément ou par groupes nous avons visité les restaurans champêtres aussi bien que les riches villas qui se succèdent sur les rives du Sund. Nous ne les oublierons pas plus les uns que les antres. Bien souvent nous reviendrons en pensée à ces modestes cabinets que réchauffait un beau soleil d’automne, à ces allées dont les arbres ont pour ainsi dire le pied dans la mer, à ces gazons illuminés par d’immenses feux de joie ou par des feux