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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

demment fort difficile de se prononcer. Toutefois MM. Bertrand et Desor, en laissant voir qu’ils penchaient en faveur des doctrines du second, ont traduit évidemment la pensée générale du congrès. Il n’y a rien d’étrange, a fait observer le savant directeur du musée de Saint-Germain, à voir la race qui élevait les dolmens venir se juxtaposer à celle qui entassait les kjœkkenmœddings. Elle a agi en France de la même manière. Peut-on supposer, a demandé M. Desor, que des peuples chasseurs, accompagnés du chien seul, aient eu les loisirs et les forces nécessaires pour construire ces vastes chambres de pierre qui nous étonnent encore aujourd’hui ? Connaît-on un seul autre peuple, non agriculteur et à demi sauvage, qui produise des ouvrages pareils ? Peut-on d’ailleurs admettre que les chefs-d’œuvre découverts dans les grands dolmens proviennent d’un peuple au début de la civilisation ? M. Desor a cru ne pouvoir répondre à ces questions que par la négative.

Il me paraît difficile de ne pas se ranger à son avis, de ne pas regarder comme fondée, au moins dans ce qu’elle a de général, l’opinion de M. Worsaae sur ces temps reculés. Je suis donc obligé de me séparer ici de mon confrère en zoologie. En revanche, je suis heureux d’avoir à partager entièrement sa manière de voir relativement à l’anthropophagie des premiers habitans de l’Europe. Cette question, si souvent agitée, a été soulevée au congrès par la communication de M. Roujou, qui a cru trouver à Villeneuve-Saint-George des traces de cannibalisme. Bien d’autres faits de même nature ont été signalés en France et ailleurs. Tous reviennent à ceux que M. Spring a constatés le premier[1]. Dans les grottes de Chauveau (Belgique), le savant professeur de Liège a trouvé, au milieu d’une sorte de brèche et mêlés à des os de ruminans, de porc, d’oiseau, etc., des ossemens humains en très grand nombre exactement dans le même état que ceux des animaux. Les os à moelle sont brisés, la plupart en éclats longitudinaux, quelques-uns carbonisés. Tout indique, dit M. Spring, qu’ils ont été cassés artificiellement pour en extraire et en manger le contenu. Ces os humains avaient appartenu exclusivement à des femmes ou à des adolescens. Notre collègue a conclu de ces faits que l’homme de Chauveau était anthropophage au moins accidentellement, et le soin qui a présidé au choix des victimes lui semble indiquer qu’il s’agit de festins exceptionnels réservés peut-être pour quelques solennités.

M. Dupont a fait connaître les observations analogues recueillies

  1. Les hommes d’Engis et les hommes de Chauveau. (Bulletin de l’Académie royale de Belgique, 1864.)