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UN CONGRÈS INTERNATIONAL.

tait au nombre de ses mammifères le grand ours des cavernes, les hyènes, les éléphans, les rhinocéros, elle présentait au moins déjà deux types humains faciles à distinguer et qui ont nécessairement dû se mélanger dans le cours des siècles. Pour cette raison, pour d’autres qu’il serait trop long d’exposer ici, je me suis rallié dans une certaine mesure aux observations que MM. Bertrand, Vogt et Worsaae ont opposées aux doctrines de M. Pruner-Bey, mais je n’ai pu aller aussi loin que mes collègues.

En voyant le mélange des races remonter aussi haut dans notre histoire anthropologique, pouvons-nous être étonnés de le retrouver au temps des dolmens ? Évidemment non. C’est le contraire qui serait étrange. Aussi n’ai-je nullement été surpris de rencontrer deux races parfaitement distinctes représentées dans les trente et une têtes plus ou moins intactes qui ont été extraites du seul dolmen de Borrebye. Ni l’une ni l’autre n’appartiennent au type mongoloïde, tel que nous le connaissons jusqu’ici ; elles sont fort distinctes des deux types esthoniens. Est-ce à dire que ceux-ci soient étrangers au Danemark ? Je suis porté à penser le contraire. Lorsque nous avons déclaré, M. Dupont et moi, n’avoir pas vu dans les cabinets de Copenhague des mâchoires inférieures analogues à celles qu’ont fournies les cavernes belges, nous n’avions pu que jeter un coup d’œil sur les collections de crânes danois. Par suite du morcellement regrettable dont j’ai parlé précédemment, l’une de ces collections nous avait entièrement échappé. Or j’ai retrouvé depuis des exemplaires tout à fait comparables à ceux de Belgique. La race méridionale a donc fort bien pu pénétrer jusqu’en Danemark.

Est-elle allée plus loin dans le nord, et les Lapons sont-ils, eux aussi, un des témoins de cette race, comme l’a pensé M. Pruner-Bey ? Cette opinion a été combattue par MM. Bertrand, Vogt, Worsaae. Pour ce dernier, entre autres, la Suède et la Norvège n’ont été peuplées qu’après le Danemark, et à l’époque de la pierre polie de ce dernier pays. Pour lui encore, l’ère Scandinave s’arrête là où finissent les dolmens, dont les dernières traces se perdent sur les côtes de Finlande. Au-delà commence un monde nouveau, celui de la Laponie et de la Russie. Bien donc ne prouve, ajoute-t-il, que les Lapons soient une population bien ancienne. C’est par l’étude seule des monumens et des antiquités que M. Worsaae motive ces conclusions, et cela même m’oblige à chercher quelque peu querelle à l’éminent archéologue. À diverses reprises, et d’une manière plus ou moins explicite, il a déclaré que l’archéologie préhistorique doit marcher seule ; il a paru vouloir écarter les renseignemens que pouvaient fournir soit les sciences naturelles, soit les notions historiques et plus ou moins légendaires. Ici, M. Worsaae est-il bien dans le vrai ? Je ne le pense pas.