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traction illégale. Enfin l’immense accroissement de richesses et de force que les Czartoryski se procuraient à si bon compte ne pouvait manquer d’exciter la jalousie parmi leurs égaux, surtout depuis que la révélation de leur dessein de réforme monarchique commençait à les faire craindre comme les ennemis des libertés publiques. En très vif mouvement d’opinion se déclara donc contre ces seigneurs, et le comte Braniçki lui-même, sous l’influence de Mokranowski, qui avait ses entrées dans le ménage, abandonna les intérêts de ses parens pour embrasser chaudement et tout haut la cause des héritiers lésés.

On pense bien que le comte de Broglie n’était ni le dernier ni le moins actif à souffler contre ses adversaires déclarés le feu de l’irritation publique. C’était peu même d’agir par ses conseils et par ses discours; pour être en mesure de mener les choses plus vivement, il voulut prendre parti lui-même dans la réclamation. Il déterra dans quelques vieux parchemins que la reine Marie Leczinska était parente à un degré quelconque, successible ou non, de la famille d’Osrog, et il n’en fallut pas davantage pour qu’il vînt, au nom de sa souveraine, apposer sa signature à la protestation que les intéressés rédigeaient pour être remise à la prochaine diète. Cette assemblée devait s’ouvrir dans l’été de 1754. Avant qu’elle fût réunie, il était certain qu’une grande majorité se prononcerait contre la validité de la transaction attaquée.

Mais là reparaissait toujours la même difficulté; pour arriver à une décision quelconque, la simple majorité de la diète était insuffisante, et l’unanimité nécessaire à obtenir était impossible à espérer. Une confédération était donc cette fois encore l’unique moyen de sortir d’embarras, et les patriotes, se sentant le vent en poupe, ne firent nulle difficulté d’annoncer tout haut qu’ils comptaient bien y avoir recours. Pour commencer, le comte Braniçki, en sa qualité de grand-général, donna à Mokranowski lui-même le commandement de la forteresse qui dominait la propriété contestée en lui enjoignant de n’en faire livraison à personne que sur son ordre. Les Czartoryski, de leur côté, se mirent en état de défense, et toute la Pologne retentit de l’appel aux armes. Le ministre anglais promettait ses subsides, le ministre russe ses troupes à leurs amis communs. Naturellement les patriotes se retournèrent vers le comte de Broglie pour lui demander d’en faire autant, ou tout au moins de leur fournir des moyens pécuniaires pour s’organiser. Ils lui déclaraient assez nettement que le moment était venu de voir quel fond on pouvait faire sur sa parole, et ils allaient même jusqu’à désigner le chiffre de subside qui leur était nécessaire. Le comte Braniçki exigeait 60,000 ducats pour mettre sur un pied inattaquable les forces de la république.