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culanum, on a ramassé trois squelettes, à l’endroit même où le 11 janvier on en avait trouvé deux autres avec cent vingt-sept monnaies d’argent et soixante-neuf monnaies d’or. Un des squelettes était étendu sur le ventre, les bras ouverts, les pieds tournés vers la ville ; un autre était sur le dos, les bras également étendus ; le troisième était tourné vers le Vésuve. Évidemment ces malheureux ont été atteints en pleine fuite, tenant dans leurs mains leur petite fortune ; foudroyés, ils ont eu à peine le temps de lever les bras, de tourner sur eux-mêmes, et sont tombés à droite, à gauche, selon le caprice de leur dernière convulsion ; un d’eux a même aussitôt mordu la terre. Un courant de gaz les avait surpris, entourés, asphyxiés. Déjà au siècle précédent, le 29 octobre 1774, on avait recueilli plus près de la porte d’Herculanum, mais toujours sur le chemin, trois Pompéiens, tués également par une suffocation subite ; les monnaies qu’ils avaient emportées avec eux étaient enveloppées dans un morceau de toile encore reconnaissable.

En général, on peut affirmer que tous les cadavres retrouvés à 3 ou 4 mètres au-dessus du sol antique, entre la couche épaisse de pierres ponces et la couche beaucoup plus mince de cendres qui était tombée après les pierres ponces, sont des cadavres de fugitifs attardés. Ils avaient attendu que la pluie de pierres qui les effrayait cessât ; dès qu’elle avait cessé, ils avaient pris à la hâte quelques objets précieux et s’étaient sauvés, secouant la cendre qui ne s’attachait point à leurs vêtemens, et couvrant leur bouche et leurs narines d’un voile ou d’un coin de leur manteau ; mais tous ceux qui rencontraient une colonne de gaz acide sulfureux ou de gaz acide carbonique errant lourdement sur le sol tombaient aussitôt. On peut s’assurer par la relation des fouilles qu’ils n’ont été victimes ni de la chute d’une construction renversée sur la voie par le tremblement de terre, ni de la chute d’un projectile incandescent lancé par le volcan. Un ennemi invisible les a frappés au passage ; cet ennemi, c’est la mofeta, c’est-à-dire un des gaz qui flottaient en nappes peu épaisses sur le sol, mais qui redoublaient d’épaisseur dans les rues étroites, dans les parties basses de la ville et dans les vallées. Telle a été la mort des Pompéiens dont les restes ont été reconnus le 9 novembre 1786, le 7 juin 1787 (quatre anneaux d’or étaient aux doigts du squelette et auprès de lui un petit enfant), le 13 mai 1795[1]. Ces derniers étaient plus riches ; ils étaient morts, le mari en serrant contre sa poitrine dix-neuf pièces d’or et quatre-vingt-onze pièces d’argent qu’on a retrouvées enfoncées dans ses côtes,

  1. Voyez l’Histoire des antiquités de Pompéi publiée par Fiorelli, et le Journal des fouilles aux dates citées.