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moment de l’éruption, qu’il n’a pas voulu déserter son poste, qu’il s’est laissé enterrer vif, tenant toujours ses armes. Si ce récit était vrai, il en résulterait que Pompéi était une ville fortifiée sous l’empire, qu’elle avait des portes qui la séparaient du faubourg où s’était établie la colonie romaine, et qu’elle avait des soldats, ce qui serait contraire à tous les résultats constatés par la science, car les fortifications avaient été détruites en partie, la colonie et l’ancienne ville osque communiquaient librement, jour et nuit, par le grand arc qui ornait l’ancienne entrée, et l’on n’a jamais trouvé à Pompéi ni un soldat ni une arme de guerre. Les casques, boucliers, brassards, cuissards, qu’on montre au musée, servaient aux gladiateurs dans les jeux publics  ; ils sont d’une pesanteur, d’une richesse et d’une forme qui ne laissent aucun doute sur leur destination. Que l’on consulte le Journal des fouilles, et l’on sera convaincu que cette légende est absolument dénuée de fondement, qu’il n’a été recueilli à cette place ni armes ni ossemens, et qu’on a simplement signalé l’inscription funéraire qui se lit encore aujourd’hui sur un cippe dressé dans le fond de la niche : Cerrinus Restitutus, prêtre d’Auguste. La guérite du factionnaire est un tombeau.

De même l’épisode de la mère qui s’est réfugiée avec ses trois petits enfans dans l’exèdre peinte qu’on voit plus bas sur la même route, la piété du personnage qui est venu offrir un sacrifice et périr dans le triclinium d’un tombeau, la tendresse des deux amans qui ont voulu mourir ensemble et dont les squelettes étaient encore entrelacés, sont de pures inventions, non-seulement dénuées de preuves, mais démenties par le silence de ceux qui ont fait les fouilles et les ont décrites. L’histoire des trois prêtres d’Isis n’est pas moins fantastique ; mais du moins elle repose sur quelques détails vrais. Ces prêtres ont été surpris, dit-on, pendant leur festin ; l’un est mort à table, l’autre a percé deux murs à coups de hache (vains efforts !), le troisième s’est enfui jusqu’au forum triangulaire avec les objets du culte et a succombé à son tour. L’origine de ces fables est très modeste. Ce sont d’abord les débris d’un récent sacrifice et des os de victimes observés par ceux qui ont déblayé le temple d’Isis[1]; ensuite ce sont des trous faits avec une pioche dans les murs d’une maison voisine ; ces trous, semblables à ceux qu’on observe dans beaucoup d’autres maisons, ont été faits non par un prêtre, mais par les Pompéiens, lorsqu’ils sont revenus, après le désastre, chercher ce qu’ils avaient oublié de précieux : ils passaient ainsi d’une chambre à une autre plus vite que s’ils eussent enlevé méthodiquement les cendres qui remplissaient les cours et les com-

  1. Le 8 juin 1765. (Pompeian. ant. historia, t. I, p. 17..)