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de Fives-Lille. Tels sont les ateliers de M. Pinet, constructeur de machines agricoles à Abilly (Indre-et-Loire). Ces combinaisons peuvent aussi s’introduire dans la p3tite industrie. A Amsterdam, les ouvriers tailleurs de diamans travaillent dans de vastes fabriques, mais ils sont de véritables entrepreneurs qui louent seulement au patron la place qu’ils occupent et la force ou les instrumens qu’ils emploient. On a vu, en d’autres pays, se constituer des sociétés pour la location de forces motrices. Moyennant un prix débattu, elles mettent l’ouvrier en état de travailler pour son propre compte et de tirer ainsi parti des engins de la grande industrie sans cesser d’être façonnier ou petit patron. Il serait téméraire de vouloir mesurer les améliorations ou les changemens que l’avenir et les progrès de la science peuvent nous réserver dans cette voie. Quoi qu’il en soit, c’est bien plutôt en perfectionnant le travail à la tâche, en variant, suivant les besoins et les facilités des diverses industries, les combinaisons et les modes auxquels il peut se prêter, c’est bien plutôt par ces améliorations de détail que par l’établissement de la participation aux bénéfices, qu’on peut servir le développement de la production et élever la rémunération de l’ouvrier.

Nous ne sommes pas partisan des systèmes, nous ne croyons pas à une solution unique de la question ouvrière; mais nous regardons comme possible et comme efficace la propagation de beaucoup de procédés ou de fondations qui sont encore aujourd’hui à l’état d’exceptions. M. Charles Robert cite comme exemple de la participation de l’ouvrier aux bénéfices du patron toutes les œuvres si variées et si philanthropiques qui ont été créées par de grands industriels, et spécialement par les manufacturiers d’Alsace. Certes ce sont de nobles et glorieuses institutions que ces écoles, ces maisons ouvrières, ces lavoirs publics, ces crèches, ces pensions de retraite, qui sont dus aux sacrifices des filateurs ou des indienneurs de Mulhouse, de Guebwiller et de Wesserling; ce sont des noms vénérables et dignes de vivre dans la mémoire des hommes que les noms des Dollfus, des Kœchlin ou des Bourcart; on éprouve une jouissance patriotique, on sent grandir en soi le respect de l’humanité et de l’industrie quand on parcourt l’enquête du dixième groupe à l’exposition universelle de 1867 ou le livre de M. Eugène Véron sur Mulhouse. Cependant voir dans ces créations spontanées de généreux philanthropes une application du système de la participation aux bénéfices, c’est commettre une confusion qui peut fausser les idées populaires. Assurément ces manufacturiers éminens prenaient sur leurs gains annuels les sommes qu’ils consacraient à leurs collaborateurs ou à leurs subordonnés en œuvres de rédemption; mais en agissant ainsi ils n’obéissaient pas à un contrat, ils ne remplissaient pas un engagement synallagmatique, ils se soumettaient aux exi-