des publicistes éminens se chargèrent de le rendre célèbre; pendant près de trente ans, il se fit autour de cet établissement une constante et universelle réclame. Sous le gouvernement actuel, la participation aux bénéfices obtint la faveur d’en haut; des solennités annuelles présidées par des ministres ou des conseillers d’état réunirent dans l’enceinte des ateliers de M. Leclaire un public d’élite en goût d’innovations sociales. Est-il bien étonnant qu’une maison industrielle ait profité de ce bruit, de cette propagande, que tant d’appuis extérieurs lui aient valu une rapide augmentation de clientèle? La faveur officielle n’était pas seulement une recommandation morale, il est bien probable qu’elle a été aussi un patronage effectif. Il est naturel qu’on adresse des commandes à un établissement pour lequel on a tant d’éloges. Cette situation exceptionnelle influait non-seulement sur le développement des affaires, mais encore sur la conscience et la conduite des ouvriers de la maison. A force d’être pris comme exemple, d’être proposés à l’admiration et à l’imitation de tous, ils finirent par se convaincre qu’ils étaient un corps d’élite, et cette conviction, par l’esprit de dignité, par l’énergie morale qu’elle entraînait avec soi, se transforma bientôt en réalité. Il faudrait méconnaître la nature du cœur humain pour ne se pas rendre compte du ressort puissant que constituent de pareils sentimens et de semblables idées. Il y avait une sorte d’esprit de secte et de rigorisme ascétique dans cette réunion d’ouvriers que la presse élevait sur un piédestal, exposait aux regards de tous; mais ce serait commettre une bien grave erreur psychologique que de croire à la généralisation possible de ces mœurs et de cette conduite, qui puisaient leur principe dans la situation exceptionnelle et le petit nombre des ouvriers associés. Si l’association devenait le fait habituel, le ressort ne se détendrait-il pas? De même que l’on voit les religions en minorité dans un pays inspirer à leurs fidèles une piété plus haute, une foi plus agissante, n’arrive-t-il pas, quand elles ont gagné la majorité, que leur influence s’affaiblit, le frein moral se relâche, les mœurs se corrompent?
Le second type de la participation des ouvriers aux bénéfices nous est fourni par la compagnie du chemin de fer d’Orléans. Assurément à première vue rien ne ressemble moins aux modestes ateliers de peinture en bâtiment de M. Leclaire que cette immense exploitation qui traverse et sillonne tout l’ouest et le sud-ouest de la France. Les partisans absolus du système que nous examinons peuvent s’autoriser de la différence de proportions et de conditions de ces deux industries pour conclure à l’efficacité universelle du régime qu’ils ont entrepris de prôner. Vanité et illusion des apparences! en dépit de ces dissemblances extérieures, les ouvriers de la compagnie du chemin de fer d’Orléans se trouvaient dans une si-