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pour MM. Steinheil et Dieterlen, continue le même auteur, d’un contrat proprement dit avec l’ouvrier, il s’agit plutôt d’un engagement d’honneur envers eux-mêmes. Quand nous pourrons, disent-ils, effectuer une répartition, nous dirons simplement aux ouvriers : L’année a été bonne, nous tenons à vous faire votre part, la voici. » C’est bien ainsi que les choses se passent aujourd’hui que le régime de la participation n’existe qu’à l’état d’exception et d’enfance ; — pourra-t-il en être de même quand il aura pris du développement? Une pareille espérance est inadmissible. Il faut bien peu connaître les hommes pour croire de leur part à une si constante soumission; celui qui a reçu un droit apprend bientôt à en user: il reste rarement en-deçà, il va généralement au-delà des limites de ses pouvoirs. Pour régler la part des ouvriers aux bénéfices, il est incontestable qu’il faudra leur donner un jour connaissance des écritures, qu’on devra les initier à la marche des opérations pendant l’année ; — voyez que de causes de conflits vont immédiatement surgir ! Ces hommes auxquels on doit des comptes vont prétendre blâmer telle ou telle partie des opérations : cela est naturel, cela est fatal. S’il arrive que le dividende d’une année soit plus faible que celui de l’année précédente, ils s’élèveront contre les dépenses consacrées au renouvellement du matériel, à l’achat de machines nouvelles, aux frais d’entretien, de réparation. Pourront-ils s’empêcher de penser et de dire que l’on améliore le fonds du patron aux dépens de leur intérêt propre? Voyez les compagnies par actions, est-ce que les actionnaires n’émettent pas de pareilles exigences? est-ce que l’on n’a pas vu, il n’y a que quelques semaines à peine, dans l’assemblée générale d’une de nos grandes entreprises françaises, des intéressés réclamer à tout prix un dividende en consentant même qu’on le prélevât sur le capital? L’ouvrier associé trouvera toujours à redire aux évaluations du patron, et il aura ainsi une porte ouverte pour se mêler à la conduite des affaires.

Le régime de la participation crée beaucoup plus de causes de dissentimens qu’il n’en supprime. Et d’abord la proportion des bénéfices octroyés aux ouvriers ne pourra pas être identique dans tous les établissemens. Chez M. Leclaire, 75 pour 100 des bénéfices nets sont alloués au personnel de la maison, d’autres entrepreneurs de peinture en bâtiment n’accordent que 25 pour 100, quelques industriels ont cru faire le maximum du sacrifice possible en consentant à une répartition de 5 pour 100. Aujourd’hui, le système de la participation n’existant qu’à l’état d’exception et de faveur, les ouvriers supportent sans mot dire ces différences; mais il n’en sera pas toujours ainsi. Quand cette organisation du travail sera devenue générale, ils se demanderont pourquoi la proportion des bénéfices