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Quel roi ? Voilà toujours le grand problème. Il y a les princes qu’on pourrait avoir et dont on ne veut pas en compensation des princes qu’on rêve et sur lesquels on ne peut pas mettre la main naturellement. Depuis bientôt deux ans, on en est là, et le provisoire se perpétue, provisoire d’autant plus dangereux que les scissions se multiplient entre les partis qui ont fait la révolution. Il y a peu de temps, le ministère ou, pour mieux dire, le général Prim rompait avec éclat avec l’union libérale ; il est vrai que depuis ce moment il a rompu avec les radicaux, et que, tout compensé, ces évolutions parlementaires, qui n’aboutissent jamais à des ruptures décisives, n’ont d’autre effet que de neutraliser toutes les forces. L’Espagne s’accoutume à cette crise prolongée, qui finira peut-être, comme toujours, par l’imprévu.

Il y a un pays moins accoutumé que l’Espagne aux conflits intérieurs, et qui a malheureusement aujourd’hui l’embarras ou l’ennui d’une sorte d’insurrection ; c’est l’Italie. Depuis quelques mois, sur divers points de l’Italie, il s’est produit un certain nombre d’échauffourées décousues, presque aussitôt réprimées, et qui semblaient se relier à un plan général d’agitation. En ce moment, c’est dans les Calabres, dans les campagnes de Catanzaro, que vient d’éclater un mouvement avec drapeau républicain et chemises rouges. Une bande s’est formée sous des chefs qui procèdent gravement au nom de la république universelle, et en réalité cette prise d’armes ne laisse pas d’offrir quelques particularités assez mystérieuses. Il faut savoir que les deux fils de Garibaldi, Ricciotti et Menotti, ont obtenu une concession considérable de travaux de chemins de fer dans les Calabres ; ils occupent de nombreux ouvriers, venus un peu de tous côtés, au percement du tunnel de Staletti. Or c’est là que le mouvement a pris naissance, c’est principalement parmi les ouvriers de Staletti que la bande insurrectionnelle paraît s’être recrutée. Lorsqu’on a connu l’événement à Florence, le président du conseil, M. Lanza, en a fait part aux chambres en leur donnant la bonne nouvelle que Menotti Garibaldi était allé lui-même offrir au préfet de Catanzaro de marcher contre les insurgés. Le fait est que la nouvelle était piquante. Le vieux solitaire de Caprera passant ses derniers jours à écrire des romans baroques qui arrivent jusqu’à nous, et son fils Menotti se faisant carabinier pour aller mettre à la raison des chemises rouges, c’était un spectacle imprévu et curieux. Malheureusement M. Lanza, trompé par des rapports flatteurs, ne paraît pas avoir été tout à fait dans le vrai. Voilà qu’on dit maintenant que Ricciotti était parmi les rebelles, et que son frère Menotti n’attendait que le moment de prendre à son tour les armes. On paraît avoir pris un certain nombre d’insurgés, parmi lesquels se trouvait un domestique de Ricciotti Garibaldi, et sur ces prisonniers on aurait trouvé des lettres dévoilant toute l’organisation du mouvement. Ce qui est certain, c’est que, depuis cette levée de boucliers, les troupes de la province sont eu mouvement. On est à la poursuite des factieux, on leur a