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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/520

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serait aussi déçue. La vie privée du roi Louis n’appartient pas encore à l’histoire, sauf par les côtés où elle est indispensable à l’explication de sa vie publique, et même sur ce terrain délicat rien absolument n’empêche de concilier les devoirs de l’historien avec le respect dû au père du souverain régnant. Du reste, le caractère et les actes de Louis Bonaparte rendent cette conciliation facile. S’il a eu sa part d’erreurs et de faiblesses, si, victime d’une position où le génie lui-même eût succombé et que son plus grand tort fut d’accepter, il a dû se retirer vaincu de la scène agitée où il avait à remplir un des premiers rôles, il a eu du moins l’inappréciable avantage d’emporter dans sa défaite sa propre estime et celle des spectateurs. D’autres plus grands sont tombés de plus haut sans pouvoir prétendre à cet hommage mérité.

Trois points surtout sont à relever à propos de son règne, savoir : les événemens et les desseins dont la combinaison le mit sur le trône, le conflit qui ne tarda pas à s’élever entre ses devoirs de roi et les intentions de celui qui avait posé la couronne sur sa tête, enfin les étranges péripéties qui précédèrent et amenèrent son abdication. Ce sont aussi les points que nous tâcherons de mettre en pleine lumière[1].


I

Bien qu’il ne s’agisse guère que d’un petit pays et d’un règne de quatre ans, c’est en réalité une histoire compliquée que nous entreprenons. Il est impossible de comprendre la position du roi Louis en Hollande, les circonstances qui l’y amenèrent, les difficultés contre lesquelles il se heurta dès la première heure, si l’on n’a pas quelques idées claires touchant le passé du peuple sur lequel il fut appelé à régner. Il nous faut donc débuter par un aperçu de l’histoire antérieure du peuple néerlandais, et surtout de sa constitution politique, sur laquelle on n’a le plus souvent en France que des données fort inexactes.

Il est de notoriété générale que les anciens Pays-Bas, contrée de dunes, d’alluvions, de villes populeuses, industrieuses, commerçantes, fortement attachées à leurs franchises municipales et pro-

  1. Nous indiquerons, quand besoin sera, les sources hollandaises et françaises où nous avons puisé ; nous nous bornons pour le moment à témoigner notre gratitude aux Hollandais de distinction qui ont bien voulu mettre à notre disposition leurs connaissances spéciales ou leurs souvenirs personnels, et tout particulièrement à MM. Obreen, le professeur de Bosch Kemper à Amsterdam, Kœmpbell, bibliothécaire royal à La Haye, G. Mees, juge à Rotterdam, M. le pasteur émérite Delprat, dont le père fut revêtu de fonctions importantes au ministère des affaires étrangères, d’autres encore qui m’ont confié des papiers et des mémoires inédits de famille qui jettent un grand jour sur les hommes et les événemens de l’époque.