Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/527

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
521
LA HOLLANDE ET LE ROI LOUIS.

Il est des victoires qui équivalent à des désastres. L’imprudente princesse avait entraîné son faible mari à triompher de ses adversaires par l’intervention de l’étranger, exemple dangereux que n’avait jamais donné aucun parti de l’ancienne république. Comment s’étonner que les patriotes, vaincus, mais non ramenés, regardassent à leur tour de quel côté le secours pourrait leur venir ? Du moment que la question se posait en de pareils termes, le choix ne pouvait être douteux. C’était la France, le pays de la philosophie politique, la France qui fermentait aux approches de sa propre révolution, c’était elle que tout désignait comme une alliée aux rancunes et aux vœux des patriotes exaspérés, d’autant plus que les stathoudériens victorieux, malgré les supplications de leur chef, dont le bon cœur détestait tout ce qui ressemblait à une vengeance, usaient et abusaient du triomphe qu’ils devaient aux baïonnettes prussiennes. À Bois-le-Duc, deux cents maisons furent pillées par la populace orangiste. Les notabilités du parti patriote furent vexées, persécutées de mille manières. Il y eut même des condamnations à mort prononcées ; elles restèrent fort heureusement sans exécution, mais l’effet moral n’en fut pas moins désastreux. Un seul fait suffira pour donner une idée des violences de la réaction. Le prince d’Orange fit promulguer une amnistie, mais elle offrait si peu de garanties, elle renfermait tant d’exceptions que, d’après le calcul d’un historien conservateur, plus de 40,000 Néerlandais se crurent forcés d’émigrer ; c’est en France qu’ils se rendirent pour la plupart.

Lors donc que la révolution française éclata, il y avait au dehors aussi bien qu’au dedans du pays des élémens inflammables qui n’attendaient pour prendre feu que d’être mis en contact avec l’ardent foyer qui rayonnait en France. Les patriotes hollandais relevèrent la tête quand ils apprirent l’entrée victorieuse de Dumouriez en Belgique. Peut-être même eussent-ils déjà donné la main aux révolutionnaires belges, si, mieux placés que les Français pour discerner le vrai caractère de l’insurrection voisine, ils n’en avaient pas reconnu sur-le-champ la nature plus cléricale que libérale. Cependant, avec l’invasion française, cette révolution belge devenait forcément radicale. Une légion d’émigrés hollandais marchait avec l’armée française. Un comité révolutionnaire batave s’était constitué à Anvers, et un décret de la convention avait aboli le traité relatif à la fermeture de l’Escaut, cette grande mesure protectrice du commerce hollandais désormais contraire au droit international. Cette première campagne de Belgique se termina par des revers, et l’armée française, dut se retirer.

La vieille Hollande stathoudérienne se crut sauvée ; ce n’était qu’un répit, et, chose grave, désormais inféodée à la coalition, elle avait assumé la dangereuse solidarité de ses prétentions et de ses fautes,