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tort, car Louis a fait un très médiocre roman dont nous parlerons plus tard, et, s’il dut descendre du trône, ce ne fut ni sans dignité ni faute d’énergie. En somme, il y avait incompatibilité d’humeur, peu de disposition réciproque à se supporter, et la contrainte que l’on faisait peser sur ces jeunes gens devait naturellement redoubler leur antipathie mutuelle. Ils n’en durent pas moins s’immoler à la politique de la famille, et le 4 janvier 1802 le mariage fut célébré « dans la tristesse ; » c’est ainsi que Louis s’exprime dans ses Mémoires. Le cardinal Caprara donna la bénédiction religieuse aux deux époux dans une maison particulière, car Joséphine ne voulait pas du ministère du clergé assermenté, et voyait peut-être dans la consécration du mariage par un prêtre orthodoxe une garantie de plus contre la possibilité d’un divorce. Jamais on n’avait vu de fiancés plus désolés. Pourtant le fils qui leur naquit au mois d’octobre suivant créa entre eux un lien qui rendit la vie commune plus facile. C’est le jeune prince qui devait mourir prématurément en Hollande. En 1804, ils eurent un second fils, Charles-Napoléon-Louis, qui devait un jour tomber dans les rangs des patriotes italiens insurgés contre le saint-siége.

De 1802 à 1805, Louis partagea son temps entre son régiment, les villes d’eaux, qu’il fréquentait toujours avec peu de succès, et Saint-Leu, qu’il avait choisi pour résidence. En 1804, il fut nommé général de brigade et conseiller d’état attaché à la section de législation, tandis que son frère Joseph, qui n’avait jamais été militaire, fut envoyé à Boulogne avec le grade de colonel. Le premier consul, qui avait ses idées, voulait sans doute que ses frères se familiarisassent avec les diverses branches du gouvernement. Lorsque l’empire fut constitué, Louis fit partie des grands-officiers de la nouvelle couronne en qualité de connétable de France, charge dont nous ne saurions définir positivement les attributions, et il fut promu au grade de colonel-général des carabiniers. Il se plaint que, pendant les cérémonies du couronnement et du sacre, exposé à des stations prolongées dans des milieux froids et humides, ses rhumatismes chroniques s’aggravèrent, et que depuis lors il perdit presque entièrement l’usage de sa main droite.

Tel il était au commencement de 1806, maladif, morose, très concentré, mais sachant secouer énergiquement ses préoccupations quand un but clair et pouvant donner de la gloire lui était proposé. De retour à Paris, après s’être acquitté de sa mission de commandant de l’armée d’observation du nord-est, il vit arriver une députation de notables hollandais, chargés, comme on le donnait à entendre et comme l’on répété presque tous les historiens français, de lui offrir la couronne de Hollande. Nous allons vois ce qu’il y a de vrai dans cette assertion.