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ponses évasives ; pourtant il se disait sûr de son consentement, et il lui avait affirmé que la Hollande entière le désirait pour roi. Il avait eu aussi, du côté hollandais, la part principale dans la rédaction du traité et de la constitution. Évidemment il s’arrangeait de façon à être l’un des hommes indispensables du nouveau règne.

Le jour arriva enfin de la proclamation de Louis comme roi de Hollande. Le 5 juin 1806, la députation batave fut admise à l’audience impériale après l’ambassadeur de Turquie, à qui l’on accorda une préséance assez singulière en pareille occurrence. Ce fut, comme de juste, l’amiral Ver Huell qui porta la parole. Il se disait, lui et ses collègues, chargé d’exprimer à sa majesté « le vœu des représentans du peuple batave qui la priait de lui accorder comme chef suprême de la république, comme roi de Hollande, le prince Louis, son frère. » Suivait un air de bravoure, approprié à la circonstance, sur la félicité et la sécurité qui seraient assurées à la Hollande par ce resserrement des liens qui la rattachaient « à l’immense et immortel empire. » Il faut citer dans son entier la réponse de l’empereur ; elle est trop caractéristique de l’homme et de sa politique pour être omise.


« Messieurs les représentans du peuple balave, j’ai toujours regardé comme le premier intérêt de ma couronne de protéger votre patrie. Toutes les fois que j’ai dû intervenir dans vos affaires intérieures, j’ai d’abord été frappé des inconvéniens attachés à la forme incertaine de votre gouvernement. Gouvernée par une assemblée populaire, elle eût été influencée par les intrigues et agitée par les puissances voisines. Gouvernée par un magistrat électif, tous les renouvellemens de cette magistrature eussent été des momens de crise pour l’Europe, et le signal de nouvelles guerres maritimes. Tous ces inconvéniens ne pouvaient être parés que par un gouvernement héréditaire. Je l’ai appelé dans votre patrie par mes conseils lors de l’établissement de votre dernière constitution, et l’offre que vous faites de la couronne de Hollande au prince Louis est conforme aux intérêts de votre patrie, aux miens, et propre à amener le repos général de l’Europe. La France a été assez généreuse pour renoncer à tous les droits que les événemens de la guerre lui avaient donnés sur vous ; mais je ne pouvais confier les places fortes qui couvrent mes frontières du nord à la garde d’une main infidèle ou douteuse. Messieurs les représentans du peuple batave, j’adhère au vœu de leurs hautes puissances. Je proclame roi de Hollande le prince Louis… Vous, prince, régnez sur ces peuples ; leurs pères n’acquirent leur indépendance que par le secours de la France. Depuis, la Hollande fut l’alliée de l’Angleterre, elle fut conquise et dut encore à la France son existence. Qu’elle vous doive donc des rois qui protègent ses libertés, ses lois, sa religion ; mais ne cessez jamais d’être Français. La dignité