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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/586

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REVUE DES DEUX MONDES.

plus loin ; le maître de la maison occupe toujours la plus humble. Quand celui qui donne le repas introduit ses hôtes dans la salle du festin, il les salue les uns après les autres ; il fait ensuite verser du vin dans une tasse de porcelaine, et, après avoir fait la révérence au plus considérable des convives, il va la poser devant lui. Celui-ci répond à cette civilité par les mouvemens qu’il se donne pour l’empêcher de prendre ce soin, et en même temps il se fait apporter du vin dans une tasse et fait quelques pas pour la porter vers la place du maître du festin, qui à son tour l’en empêche avec certains termes ordinaires de civilité… On commence toujours le festin par boire du vin pur. Le maître d’hôtel, un genou en terre, y exhorte à haute voix tous les convives. Alors chacun prend sa tasse des deux mains et l’élève jusqu’au front, puis, la baissant plus bas que la table et la portant tous ensuite près de la bouche, ils boivent lentement, à trois ou quatre reprises, et le maître ne manque pas de les inviter à tout boire ; c’est ce qu’il fait le premier, puis, montrant le fond de sa tasse, il leur fait voir qu’il l’a entièrement vidée, et que chacun doit faire de même… Au commencement du second service, chaque convié fait apporter par un de ses valets divers petits sacs de papier rouge qui contiennent un peu d’argent pour le cuisinier, pour les maîtres d’hôtel, pour les comédiens et pour ceux qui servent à table. On donne plus ou moins, selon la qualité de la personne qui vous a régalé ; mais l’on ne fait ce petit présent que lorsque le festin est accompagné de la comédie. L’amphitryon ne consent à accepter l’offrande qu’après avoir fait quelques difficultés. En reconduisant ses hôtes, le maître de la maison ne manque pas de leur dire : Nous vous avons bien mal reçus, etc. »

Tout, jusqu’aux simples inclinations de tête, est ainsi réglé par le menu, on pourrait dire noté. L’ensemble de ces règles de bienséance est élevé à la hauteur d’une science sociale ; et à Pékin le tribunal des rites veille sur ce grotesque dépôt avec une aussi jalouse inquiétude que tel corps politique en Europe au maintien d’une constitution. — Fait-on visite à un mandarin, il faut commencer par lui faire porter sa carte. Cette carte est un morceau de papier rouge sur lequel on écrit son nom en le faisant suivre d’une phrase polie, comme « l’ami tendre et sincère de votre seigneurie et le disciple perpétuel de sa doctrine se présente en cette qualité pour vous rendre ses devoirs et vous faire la révérence jusqu’à terre. » Si le mandarin est disposé à recevoir, il vient au-devant de son visiteur, l’invite à passer le premier ; l’autre répond : Je n’ose, et après une infinité de gestes convenus et de phrases obligatoires le maître de la maison salue la chaise qu’il destine à son hôte et l’époussette légèrement avec un pan de sa robe pour en ôter la pous-