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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/650

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butions dont le prélèvement est toujours douloureux aux individus, on se sent naturellement porté à vouloir en restreindre l’emploi, et que l’on regarde comme une conquête tout ce qu’on s’abstient de payer au nom de la société. » La science économique contemporaine soutient avec raison le principe que repoussait le ministre de Napoléon Ier. Un des principes les plus certains de l’économie politique, c’est qu’il vaut mieux mettre à la charge des particuliers le paiement des services dont ils profitent que de le mettre à la charge de l’impôt. Ce n’est pas au moment où la liberté se réveille sous les auspices d’un gouvernement constitutionnel que nous devons faire bon marché de l’initiative privée et de la responsabilité individuelle, ces deux grands ressorts de toute société qui veut être vraiment libre. « Quels sont les peuples les plus heureux, les plus moraux, les plus paisibles ? dit Bastiat. Ceux-là où la loi intervient le moins dans l’activité privée, où le gouvernement se fait le moins sentir, où l’individualité a le plus de ressort et l’opinion publique le plus d’influence, où les rouages administratifs sont les moins nombreux et les moins compliqués, les impôts les moins lourds et les moins inégaux, ceux, en un mot, qui approchent le plus de cette solution : dans les limites du droit, tout par la libre et perfectible spontanéité de l’homme, rien par la loi ou la force que la justice universelle. » Il ne faut pas exagérer ces doctrines, il ne faut pas oublier que nous sommes une nation démocratique qui accorde volontiers une puissance considérable à l’état, il ne faut pas vouloir, comme certains économistes à outrance, déclarer nuisible toute ingérence de l’état dans la société. Nous avons déjà déterminé quel était le devoir de l’état et le devoir de l’individu dans la constitution de l’enseignement. Il faut se montrer avare de l’action de l’état quand il s’agit de la substituer à l’initiative privée et au devoir de l’individu, il faut savoir la faire intervenir quand il s’agit de vaincre une résistance mauvaise et de sanctionner un devoir. C’est ce que nous verrons en parlant de l’instruction obligatoire. C’est donc vainement que les partisans de la gratuité absolue de l’instruction primaire cherchent un principe où asseoir leur doctrine. Quoi qu’ils fassent, le devoir de l’état est primé par celui des familles. Ils tournent leurs batteries d’un autre côté, et croient trouver un argument victorieux dans l’organisation des cultes et de la justice. L’enseignement, disent-ils, doit être à la charge de l’état, celui-ci doit faire pour l’instruction ce qu’il fait pour la religion, ce qu’il fait pour la justice. C’est ce qui a lieu en effet. L’état construit les écoles et paie le traitement fixe des instituteurs, comme il rétribue les magistrats et les prêtres des différens cultes, parce qu’il doit assurer ces différens services. Si tous les citoyens contribuent à l’établissement régulier des cultes, ceux qui en profitent directe-