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œuvres citer de préférence parmi ces cinq ou six cents vignettes gravées sur bois ou sur cuivre avec une facilité presque uniforme, et n’exprimant rien de plus qu’un désir commun de supprimer dans l’art les longues et sévères études pour y installer le culte de l’improvisation ? On nous permettra donc de nous en tenir à un rapide coup d’œil sur l’ensemble de ces tentatives et à chercher ailleurs des témoignages de talent véritable ou tout au moins d’efforts sérieux.

Le portement de croix que M. Bertinot a gravé d’après le doux tableau de Lesueur, au Louvre, est un travail plein de charme, une reproduction aussi respectueuse qu’intelligente de la peinture originale, dont il y a quelques années, un autre graveur, M. Soumy, n’avait pas à beaucoup près rendu avec la même justesse la simplicité suave et la grâce. Là où son prédécesseur était tombé dans une sorte d’afféterie aride à force de rechercher la pureté du style, M. Bertinot a su se tenir à égale distance de la pauvreté et de la coquetterie. — Quant à M. Danguin, en gravant le Rêve du chevalier, conservé aujourd’hui à la Galerie nationale de Londres, il n’avait ni à réparer les erreurs commises avant lui ni à s’aider des exemples des autres. Cet exquis petit tableau de Raphaël n’avait, à proprement parler, jamais été gravé, puisqu’il n’en existait jusqu’ici qu’une maigre image pour l’illustration du livre de Passavant, M. Danguin s’est acquitté de sa tâche avec le talent dont il avait déjà fait preuve dans sa belle planche d’après la Maîtresse du Titien, mais aussi, cela va sans dire, avec un goût tout différent de la manière adoptée par lui pour l’interprétation de la toile vénitienne. Le Rêve du chevalier a gardé dans l’œuvre du graveur cette élégance naïve, cette fleur d’ingénuité qui, tout, en faisant pressentir les fruits prochains, n’est encore que la première promesse du génie de Raphaël, le premier signe de sa beauté et de sa force adolescentes.

Une suite de petites figures représentant les jours de la semaine, qu’Ingres avait dessinée en 1813 sur les feuillets d’un agenda, a été reproduite par M. Haussoullier avec une rare finesse, avec un sentiment de la grâce qu’on ne retrouve pas aussi heureusement expressif dans une planche gravée par le même artiste d’après une des fresques de Luini au Louvre, l’Adoration des bergers. Citons encore à côté de ces travaux la Jeune fille à la lampe de M. Flameng d’après M. Gleyre, bien que dans ce nouvel ouvrage le graveur de la Source et de plusieurs autres planches charmantes semble s’être un peu négligé, — le Dante de M. Levasseur d’après M. Gérome, — les sujets de genre gravés par MM. Paul Girardet, Thirion et Deblois, — divers portraits ou études dus au burin de MM. Huot, Dubouchet, Desyachez, Morse, Waltner et Rossello, et un très joli