qu’on s’attendait à de l’imprévu ou à un autre accent. Il respire sans doute la satisfaction et la confiance ; au fond, l’empereur triomphe avec une habile modestie. Il ne sépare pas la liberté de l’ordre dans la victoire du 8 mai ; il ne voit pour le gouvernement qu’une politique, qui consiste à « montrer sa force par sa modération, » à ne point « dévier de la ligne libérale qu’il s’est tracée, » à rallier « autour de la constitution que le pays vient de sanctionner les honnêtes gens de tous les partis, » et s’il se fait encore illusion en croyant qu’un vote puisse jamais trancher définitivement les questions politiques qui divisent les esprits, il trace un programme certainement assez vaste pour suffire provisoirement aux hommes de bonne volonté. Il ne s’agirait de rien moins que de se mettre à l’œuvre pour répandre partout l’instruction, simplifier les mécanismes administratifs, décentraliser l’activité nationale, réformer nos codes « qui sont des monumens, » trouver les moyens de répartir avec plus d’équité les charges publiques. On en fera ce qu’on pourra ; c’est un programme séduisant à coup sûr, et qui dans tous les cas ne pouvait que retentir heureusement à l’inauguration d’un régime nouveau. L’empereur, nous en convenons, a parlé comme il devait parler. Il a délimité en quelque sorte le terrain sur lequel on pourrait se rencontrer dans une émulation commune de bien public sans s’épuiser dans de vaines représailles ou de stériles disputes d’opinion ; il a indiqué d’un trait ce que nous pourrions faire de mieux, si nous étions bien sages, ce qui suffirait à occuper une génération tout entière. Malheureusement les programmes ne sont pas tout, et au sortir de la cérémonie du Louvre, sous l’éblouissement de ce mirage presque grandiose d’une politique de progrès indéfini, on ne s’est pas moins retrouvé en présence de la situation telle que le plébiscite l’a faite, avec ses apparences de force surabondante et ses difficultés réelles, avec ses troubles, ses incohérences, ses ambiguïtés et cette espèce d’alanguissement ou d’atonie momentanée que les vainqueurs eux-mêmes semblent ressentir à leur manière tout aussi bien que les vaincus.
La vérité est que le plébiscite, par l’ébranlement qu’il a imprimé à la vie publique, a créé des conditions qui ne paraissent bien faciles ni pour le gouvernement ni pour les partis. À un certain point de vue sans doute, il a tranché souverainement des questions décisives qui tendaient de jour en jour à s’embrouiller et à s’aggraver ; il a mis hors de cause le principe du régime actuel, il a relevé et raffermi le gouvernement en décourageant les contestations violentes, en noyant toutes les fantaisies révolutionnaires dans l’immensité d’une manifestation nationale presque inattendue. C’est là le résultat général supérieur qui éclate à tous les yeux ; mais en même temps on pourrait dire que ce vote tout-puissant du 8 mai a eu instantanément une autre conséquence qui n’est pas moins sensible. Il a émoussé en quelque sorte d’un seul coup les