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les impatiens ; il faisait un temps gris et froid, ce devait être le 4 novembre, le jour de la Saint-Charles ; la peur me prit devant cette tourbe violente, et je me sauvai. Moins d’un an après, la révolution de juillet emportait pour toujours cette mauvaise coutume de l’ancien régime. Aujourd’hui les distributions gratuites sont remplacées par des secours portés aux indigens, à qui l’on donne individuellement quelques livres de pain, une bouteille de vin et un pâté, parfois des vêtemens, du bois, du charbon ou de l’argent. Tout ce que le spectacle d’autrefois avait de répulsif a disparu ; il ne reste plus qu’une mesure charitable sagement appliquée.

Je n’ai point à parler ici de la bienfaisance privée, qui à Paris est très considérable, toujours sollicitée, toujours active ; je n’ai rien à dire non plus des sociétés de charité religieuses et laïques, qui, tout en secourant les malheureux, poursuivent un résultat parallèle et quelquefois imposent certaines conditions de moralité ou un mode particulier d’existence aux misérables qui les invoquent. Je ne veux m’occuper que de la bienfaisance abstraite, de celle qui ne demande ni l’acte de baptême ni l’acte de mariage, qui est exercée en vertu de considérations sociales supérieures, qui reçoit de toute main et donne à toute infortune, qui est un des élémens de la sécurité urbaine, et qu’on a centralisée avec ses ressources, ses devoirs et ses charges dans la grande administration de l’assistance publique. L’origine en remonte loin. Dans le principe, tout dépendait de l’Hôtel-Dieu, qui était régi au spirituel et au temporel par le chapitre de Notre-Dame ; mais des abus graves et de toute sorte ayant été signalés, un arrêt du parlement, en date du 2 mai 1505, confia la gérance de l’hôpital à une commission laïque, composée de huit notables et magistrats, qui le 16 novembre 1544 devint le bureau des pauvres. Non-seulement ce bureau, dont les membres prirent le titre de surintendans, veillait à l’entretien des hôpitaux, aux soins que réclamaient les malades, mais il pourvoyait à la subsistance des indigens et fixait des taxes qu’il rendait obligatoires. Ainsi le 15 janvier 1574 il décide que les habitans de Paris qui refuseront de donner à la quête seront frappés d’une amende égale au quadruple de ce qu’on leur avait demandé. Le 2 juillet 1586, on établit dans vingt-sept rues des marmites après avoir enjoint à tous les bourgeois d’y apporter, vers midi, les restes de leurs « potages et viandes, » qui seront distribués aux indigens. Lorsque la taxe n’était point payée, le parlement intervenait, ainsi qu’il le fit le 28 juin 1596, le 15 et le 19 mars 1602, pour menacer de confiscation les retardataires ; il n’exclut ni les prêtres ni les communautés religieuses, et il leur ordonne d’acquitter la taxe des pauvres sous peine de voir saisir leur temporel.

Ces charges gratuites et fort lourdes à porter étaient exercées par