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Tout est fourni par adjudication sur un modèle expérimenté et déposé, auquel le vendeur doit se conformer impérieusement sous peine de voir sa marchandise refusée lui rester pour compte. Chaque pavillon a une affectation particulière : ici, les huiles, les légumes secs, les instrumens de propreté, brosses, balais, têtes de loup et plumeaux ; là, les meubles, lits, tabourets, tables et chaises ; ailleurs, la vaisselle, dont la diversité dénonce au premier coup d’œil la destination différente. Si les bols en étain, la grosse poterie, sont réservés pour les hôpitaux, les soupières en porcelaine, les carafes de cristal, les huiliers à double flacon, les salières taillées, sont gardés pour les hospices où l’on paie d’importantes pensions, comme Sainte-Périne. Plus loin, on est ému en voyant des béquilles entassées en chantier par bottes, comme des fagots, et tous les ustensiles que la science prévoyante s’est ingéniée à inventer pour le soulagement des infirmes et des malades. Les matières premières sont rangées avec un ordre parfait dans d’immenses casiers qui côtoient les murs de longues galeries propres à faire envie aux ménagères les plus difficiles. C’est là que sont empilés les draps, les couvertures, les étoffes de laine et de coton, les bonnets, les bas, les galoches, la futaine et le madapolam, les toiles et les calicots, les réserves de vieux linge condamné à devenir de la charpie, et les serpillières où l’on taillera des linceuls pour les morts. D’autres galeries renferment les vêtemens confectionnés, chemises, capotes d’hôpital, blouses de siamoise, casquettes, pantalons de laine et de drap ; des paquets tout préparés, épingles avec soin, contiennent ce que l’on nomme une vêture, trousseau complet qui varie selon l’âge et le sexe des personnes auxquelles il est destiné. Là aussi sont les layettes, en grand nombre, toujours renouvelées, car les naissances ne chôment guère dans la population indigente de Paris.

Des ateliers, où des ouvrières libres viennent chaque jour travailler sous les ordres d’une surveillante appartenant à l’administration, coupent et cousent les vêtemens. Il y a là des jeunes filles alertes et rieuses qui font grincer les lourds ciseaux avec l’aplomb d’un vieux tailleur ; dans une large cour baignée de soleil, on carde les matelas, on dévide les longues cordes de crin, on secoue les toiles à carreaux, des étuves reçoivent la laine encore tout imprégnée de suint et d’ordures ; lorsqu’elle a été lavée et séchée, on la fait voltiger à l’aide de longues baguettes pour la rendre plus légère et plus souple. Des mécaniques tranchantes et perforantes, mises en mouvement à l’aide de pédales, découpent les bandes dans la toile neuve et percent les trous des emplâtres fenestrés ; d’autres, taillent les compresses dans le linge fatigué, pendant que les vieilles femmes de la Salpêtrière qui peuvent encore faire usage