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de la justice, est détestée, condamnée comme un instrument d’oppression et d’iniquité.

Les crimes agraires ont commencé vers la fin du siècle dernier. En 1760, ceux qui se faisaient les exécuteurs des vengeances populaires s’appelaient whiteboys ; ils prennent le nom de steelboys en 1772, de rightboys en 1785, puis ceux de whitefeet, de blackfeet et de ribbonmen. Ce dernier nom est encore celui qui est le plus en usage aujourd’hui. Il ne faut pas confondre les ribbonmen avec les fenians. Le but des premiers est de défendre ce qu’ils considèrent comme le droit des tenanciers ; le but des seconds est plutôt l’établissement d’une république irlandaise et la guerre à l’Angleterre. Les ribbonmen ne s’inquiètent pas de savoir si celui qu’ils vont frapper est Anglais ou Irlandais, protestant ou catholique : s’il a lésé les droits de ceux qui occupent la terre, il mérite la mort. Ils frappent non-seulement le propriétaire qui exige une rente trop élevée, mais le fermier qui consent à la payer. Récemment à Athlone un avis est affiché sur la porte de l’église catholique, portant que celui des locataires de M. Cook qui paiera plus de 30 shillings l’acre n’a qu’à ordonner son cercueil. — Un paysan nommé Crawford est frappé d’un coup de fusil chargé de chevrotines qui atteignent également sa femme et son enfant. Lui-même n’a fait tort à personne ; mais son père a fait exécuter certaines évictions, cela suffit. — Une veuve, mistress Jackson, loue une petite ferme à une autre veuve qui jouit d’une certaine aisance. Le bail expiré, elle désire rentrer en jouissance de son bien pour l’occuper elle-même : trois hommes masqués lui tirent un coup de pistolet en pleine figure. — Dans le comté de Westmeath, le capitaine Rowland Torleton renvoie un de ses bergers : il est assassiné en plein jour, au moment où il visitait un champ dans lequel des ouvriers travaillaient ; jamais on n’a pu découvrir le coupable. — Aux environs de Mullingar, miss Tottenham s’efforce d’améliorer la situation de ses tenanciers : elle leur bâtit d’excellentes maisons, qu’elle loue bon marché ; mais son receveur déplaît, on la menace de mort si elle ne le renvoie. — Un autre propriétaire dans le Westmeath fait valoir lui-même deux de ses fermes : dans l’une, il convertit en pâturage une partie de terre arable ; on tire sur lui parce que de cette façon il diminue l’emploi des bras. — Ailleurs on intime à un fermier que, s’il ne veut pas recevoir un coup de fusil, il ait à louer une certaine prairie à des gens du village qui manquent de place pour planter leurs pommes de terre. — Ces menaces et ces attentats ressemblent beaucoup à ceux dont se rendaient coupables les ouvriers de Sheffield pour maintenir ou élever le taux des salaires. Dans beaucoup de localités, le but que poursuivent les auteurs de ces crimes est atteint. Les