Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 87.djvu/999

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

personnage entretenait des rapports directs avec des troupes de malfaiteurs : je crois qu’il faudrait remonter, bien haut dans le passé pour trouver de cela un seul exemple. Ce n’est pas ainsi que les choses peuvent se passer. Voici la vérité sur ce point. Pour être ministre dans tout pays où il n’y a qu’une chambre et où le pouvoir royal n’est que nominal, il faut être soutenu par la majorité des députés, et par suite faire des promesses à chacun d’eux ; ces promesses sont politiques là où des idées sont en lutte, personnelles là où dominent les intérêts privés. Pour devenir député, il faut s’assurer le suffrage des électeurs les plus influens et surtout des maires ; pour devenir maire, il faut employer les moyens que fournit l’état social de la Grèce, exercer sur les uns l’empire de la persuasion, exploiter la vénalité des autres. Il est un troisième instrument auquel on ne craint pas de recourir, à savoir : les brigands ou ceux qui sont sur le point de se faire brigands. Ces malfaiteurs, s’étant abouchés avec le candidat, font tenir aux électeurs opposans certains avis pleins de menaces aussi variées que la condition des personnes ; au besoin, on en vient à un commencement d’exécution. Bref, l’élection est emportée d’assaut ; mais un maire ainsi élu se trouve compromis auprès de la bande dont il a sollicité l’appui ; il en devient le serviteur ; il ne peut ni l’éloigner, ni la poursuivre, ni invoquer contre elle la force publique. Du reste, ce n’est pas le maire seulement que compromettent ces coupables marchés, c’est aussi le député dont il patronne l’élection, c’est le ministre lui-même que ce député appuie de son vote.

Je ne veux pas dire que de telles conventions tacites soient communes en Grèce, et qu’on n’arrive pas au ministère par d’autres voies. Il est de notoriété publique que sous le ministère actuel aucune intervention du gouvernement n’a eu lieu dans les élections municipales, et que des autorités préfectorales ont été cassées pour y avoir mis la main ; mais des faits de ce genre se sont passés autrefois et même récemment. Rien n’est plus capable d’assurer aux brigands l’impunité et d’en multiplier le nombre. On a pu dans un temps, il y a vingt-cinq ans par exemple, ne pas considérer comme criminels ces procédés soi-disant politiques. Aujourd’hui les Grecs sont instruits, ils savent discerner le bien et le mal, l’habit remplace de tous côtés la foustanelle ; il faut donc que l’opinion publique parle haut et répudie ces manœuvres avec exécration.


II

Si les politiques grecs renonçaient tous à faire usage d’une arme si dangereuse, tous les ministères se trouveraient successivement