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parti orangiste. C’était bien plutôt le cas de Ver Huell et du comte de Hogendorp[1], qui furent précisément les Hollandais les plus aimés de l’empereur. Sans doute il y avait aussi d’anciens orangistes dans l’entourage de Louis ; mais un régime quelconque ne peut durer, ne peut s’affermir dans un pays qu’à la condition de se servir des élémens de gouvernement que ce pays lui offre. On ne change pas ces élémens à volonté. En vain Louis aurait-il essayé de s’appuyer, comme le voulait, son frère, sur les jacobins, c’est-à-dire sur les ultras de l’ancien parti patriote, et sur les catholiques. Les premiers avaient donné de telles, preuves d’incapacité politique pendant les années précédentes que leur parti, d’ailleurs peu nombreux, en était mort du coup. Les catholiques n’avaient personne ou presque personne à proposer pour occuper les postes élevés de l’état. Le roi Louis avait fait ce que le bon sens et la situation lui conseillaient à la fois. Il avait voulu rattacher à son trône les hommes des anciens partis, que leur modération et leur capacité recommandaient à son choix ; le pays lui avait donné complètement raison, et c’était si bien la vraie politique à suivre, que la maison d’Orange, quand elle revint de l’exil, avec bien plus de motifs que Louis pour se montrer exclusive, n’en suivit pas d’autre. Le fait est que, pendant ses quatre années de règne, Louis n’eut pas à se plaindre une seule fois que des conspirations ou simplement des menées orangistes eussent menacé la stabilité de son trône. L’orangisme alors était, lui aussi, bien énervé, bien affaibli. C’est l’empire, c’est l’annexion qui lui refit une immense popularité.

Il semble que Napoléon ait été fort mal renseigné sur le véritable état des choses en Hollande. Il ajoutait trop de foi aux rapports systématiquement malveillans que lui faisaient les Français venus en Hollande avec le roi Louis. Ils rentraient les uns après les autres plus ou moins déçus, plus ou moins blessés des procédés qu’on avait eus à leur égard. Susceptible, défiant, aimant à faire ses petites affaires à l’abri des regards curieux, Louis était enclin à soupçonner d’espionnage les Français dont il était entouré. Il avait la preuve que des dénonciations fréquentes, inspirées par un esprit très peu bienveillant pour sa personne et son gouvernement, se rapportant même à des faits de sa vie intime, parvenaient aux oreilles

  1. Ce comte de Hogendorp, frère de l’homme d’état qui devait jouer un si grand rôle dans la restauration de la maison d’Orange, fut et resta l’admirateur enthousiaste de Napoléon. Sa famille, a bien voulu me confier ses Mémoires inédits, qu’il rédigeai à Rio-Janeiro, où il avait été chercher du service après la chute de l’empire. Un Français les lut au Brésil même et les emporta en France dans le dessein de les faire imprimer. Sans qu’on sache la raison qui l’empêcha de donner suite à son projet, le manuscrit fut renvoyé à la famille, mais après soustraction des feuilles qui contenaient le récit des violens démêlés de l’officier hollandais avec le maréchal. Davoust, gouverneur militaire de Hambourg en 1813.