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des hommes, et la plus grande liberté, au moins la plus grande liberté religieuse, est nécessaire au salut.

Quoi qu’on pense des raisons premières de cette doctrine, elle est loin de celle de Hobbes, qui ne voyait que le despotisme capable de transformer les hommes d’animaux sauvages en animaux domestiques, et l’on conçoit que les chrétiens les plus sévères pour l’humanité pécheresse aient pu devenir d’exigeans amis de la liberté.

Voilà ce qui doit relever la majorité des sectes puritaines des arrêts dédaigneusement sévères des philosophes du XVIIIe siècle. L’école de Hume semblait ne pas les comprendre. Lui-même, avec une subtilité bien plus ingénieuse et plus pénétrante, est près de tirer les mêmes conclusions que Hobbes de l’examen des controverses et des guerres civiles du XVIe et du XVIIe siècle. N’a-t-il pas osé penser que le gouvernement anglais irait mourir dans le sein du pouvoir absolu !

Il y a déjà quelque temps que, sous le rapport de la politique, la révolution d’Angleterre, jusque dans ses partis les plus audacieux, est réhabilitée. Les historiens modernes ne méconnaissent plus ce que la liberté britannique, disons mieux, la liberté du monde, doit aux revendications hardies de plusieurs de ces groupes de combattans qui se disputèrent, même en s’égarant, l’honneur périlleux de régénérer leur croyance et leur pays. Nous pensons même qu’ainsi que la politique, la philosophie peut avoir à recueillir plus d’une parcelle de métal pur sortie de la fournaise allumée en Angleterre par les passions de la réforme. Les sectes qui n’ont pas prévalu, comme les partis qui ont échoué, n’ont point passé inutilement sur la terre.

Tous ceux-là étaient prémunis même par leurs erreurs contre l’influence funeste du hobbisme. C’est plutôt dans les partis modérés, toujours plus près de l’indifférence, c’est surtout dans le parti de la restauration que devait s’étendre cette influence. Tout parti a sa corruption. Celle qui est particulière aux partis conservateurs, c’est en théorie la préférence donnée aux intérêts sur les idées, le dédain des nobles passions, l’attachement aveugle aux biens et aux plaisirs que la tranquillité générale promet à l’insouciance politique. Cette corruption pénètre dans le gouvernement et domine dans les cours : on le vit bien sous les deux derniers Stuarts. Peu de spectacles sont plus odieux que celui de ces deux règnes ; mais comme, grâce à Dieu, le génie national, pour être éclipsé, n’était pas éteint, on vit s’élever à la même époque, soit dans la religion, soit dans la politique, un parti honnête, intelligent, éclairé et non pas énervé par la révolution, exempt des excès de doctrine et des excès de passion, et qui devait peu à peu prévaloir soit dans l’église, soit dans le