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des notes menaçantes, requérant l’application la plus rigoureuse des lois du blocus, et les allures cassantes du comte de Larochefoucaut, successeur de Dupont-Chaumont, n’étaient pas faites pour en adoucir l’amertume. On attribuait à Napoléon ce mot sanglant sur la Hollande et son roi : « la Hollande n’est qu’une province anglaise, et le roi en est le premier smoggleur. » Louis, dont le royaume dépérissait à vue d’œil sous cette législation d’airain[1], avait beau remontrer, conjurer, supplier, rien n’y faisait, les menaces revenaient plus effrayantes, il fallait s’exécuter. Un jour qu’il parlait au ministre de Russie des maux sans nombre qu’entraînait l’observation du blocus : « Ah ! sire, lui dit en souriant le diplomate russe, il est avec le ciel des accommodemens. — Oui, monsieur, répartit le roi, mais il n’en est point avec l’enfer. »

Louis s’était un instant flatté de l’espoir que la bonne attitude de la population hollandaise lors de l’expédition de Walcheren, ses propres efforts pour parer au sérieux danger qui menaçait la frontière nord de l’empire, l’insuccès final d’une attaque un moment formidable, disposeraient l’empereur à de meilleurs sentimens. Il n’en fut rien. Napoléon conclut simplement de ce qui s’était passé qu’il y avait lieu de réunir au territoire français la Zélande, le Bradant et la contrée au sud du Wahal, afin, disait-il, de pouvoir mieux se défendre dans le cas où l’Angleterre s’aviserait de recommencer son expédition manquée. Le roi Louis rapporte qu’à Schœnbrunn, immédiatement après la conclusion de la paix avec l’Autriche, et comme il était déjà rassuré sur les suites de la descente des Anglais en Zélande, Napoléon aurait prononcé devant témoins ces paroles significatives : « ici tout est fini ; il nous faut maintenant marcher contre l’Espagne et surtout contre la Hollande. » Déjà il avait communiqué au ministre des affaires étrangères le plan qu’il avait conçu de faire occuper par des troupes françaises tout le littoral hollandais, afin de le fermer hermétiquement aux Anglais. Bientôt et malgré les préparatifs que faisait l’ennemi pour se rembarquer, Louis vit l’armée française du nord grossir, occuper l’île zélandaise de Zuid-Beveland, se préparer à entrer dans Berg-op-Zoom, toujours sous prétexte d’attaquer l’île de Walcheren. Il paraît même que dans cet automne de 1809 il reçut de l’empereur des lettres plus comminatoires encore, que nous ne connaissons pas ; mais on doit l’inférer de celle qu’il écrivit lui-même à son frère du château du Loo, à la date du 4 novembre 1809, et que nous reproduisons tout entière d’après M. Jorissen :

  1. Sur les 220,000 habitans qu’Amsterdam comptait alors, 110,000 étaient partiellement ou tout à fait à la charge de la bienfaisance publique.