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subi des déplacemens. Ce serait une conjecture que la science positive combattrait, et qui d’ailleurs ne serait appuyée par aucun indice direct. Le phénomène est par lui-même des plus complexes, la direction de l’axe, nous l’avons vu, n’est qu’un des termes de la question ; s’il est resté immuable, l’atmosphère et la chaleur émise par le soleil ont pu varier dans de larges limites ; mais, avant de chercher des explications au phénomène, il faut connaître en quoi il consiste et quels sont par conséquent les changemens qui se sont opérés dans les climats terrestres, dans quel temps ils se sont produits, et quelle marche ils ont suivie.


II

L’idée confuse que la terre a plusieurs fois changé d’aspect, de climats et d’habitans est ancienne et pour ainsi dire légendaire. On la découvre dans l’âge d’or des poètes, dans les tableaux du paradis terrestre, dans les rénovations cosmiques de Platon, enfin dans cette opinion populaire souvent répétée, que certaines cultures tendent à reculer de siècle en siècle par suite d’un abaissement graduel de la température. Arago, reprenant cette thèse pour la combattre dans l’Annuaire du Bureau des longitudes de 1834, s’est attaché à prouver au contraire que, depuis les temps historiques les plus reculés, la Syrie et l’Égypte ont gardé absolument le même climat, puisque maintenant comme autrefois la vigne et le palmier y mûrissent simultanément leurs fruits, tandis qu’il aurait suffi d’une faible modification calorique en plus ou en moins pour exclure l’une ou l’autre de ces deux essences. Les observations d’Arago, adoptées depuis par Forbes, sont justes, si l’on considère les quatre ou cinq mille ans auxquels elles s’appliquent ; mais les découvertes de ces dernières années n’en démontrent pas moins qu’en s’écartant un peu au-delà de cette limite dans le passé, on remarque des vestiges de changemens climatériques considérables. Pour cela, il n’est pas nécessaire de s’adresser aux époques géologiques les plus anciennes : ces sortes d’indices sont bien plus récens, et, pour les constater, il suffit de se reporter à un temps déjà éloigné, si l’on compte les siècles, mais d’un éloignement relatif très modéré en définitive, car la présence de l’homme y a été signalée avec certitude.

Lorsqu’on s’attache à l’ensemble de cette période que les géologues ont nommé quaternaire, on est frappé de l’accroissement très sensible de l’humidité sur toute la face de notre hémisphère et probablement dans le monde entier par rapport à l’état hygrométrique actuel. En Europe, les fleuves ne sont que des ruisseaux en