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conditions d’existence et y introduire un élément nouveau. La couronne, sauvegarde de l’honneur du drapeau britannique qui flottait sur tant de villes et de places fortes, crut qu’il était de son devoir de surveiller les faits et gestes de la compagnie des Indes. Sur la proposition de Pitt, le parlement en rattacha l’administration politique au gouvernement en instituant le bureau du contrôle. Le nom de cette commission permanente en indique le mandat. Composée de six membres empruntés au conseil privé, elle devait contrôler tous les actes de la cour des directeurs, prendre connaissance de ses délibérations et de sa correspondance, et faire usage d’un veto quand elle le jugerait convenable.

A chaque renouvellement de sa charte, la compagnie perdait un lambeau de ses privilèges commerciaux. Dans sa session de 1833-1834, le parlement lui enleva le dernier qui lui restait : le commerce avec la Chine. Il remboursa par des annuités les actionnaires, supprima toutes les restrictions apportées à l’établissement des Européens aux Indes, ouvrit les carrières administratives à tous, Européens ou Hindous, créa une quatrième présidence, celle du nord-ouest, dont le chef-lieu fut Agra, et confia à la présidence du Bengale la direction suprême des possessions anglaises aux Indes. La cour des directeurs n’en restait pas moins, malgré ce nouvel amoindrissement de sa puissance, le seul pouvoir intermédiaire par lequel passaient toutes les dépêches entre le gouverneur-général et la couronne, et en cette qualité elle avait encore une grande place dans le mécanisme compliqué du gouvernement indien. Bien que modifiée dans le chiffre de son personnel en 1853, elle conserva cette grande position jusqu’à l’insurrection de 1857. La nouvelle du soulèvement de plus de 80 régimens indigènes de l’armée du Bengale, des horreurs qu’ils commirent sur les employés anglais qui tombèrent en leur pouvoir, fit pousser un cri d’indignation à la Grande-Bretagne tout entière. Chacun de chercher la cause de ces mouvemens aussi inattendus qu’effrayans et d’en désigner les provocateurs. Ce fut un concert de récriminations, un feu croisé d’attaques et de défenses, d’accusations injustes et de réponses acerbes. Une mesure parut indispensable aux yeux de tout le monde, c’était d’enlever à cet empire son gouvernement bâtard, de supprimer la cour des directeurs comme un rouage inutile et nuisible, et de transférer le pouvoir tout entier à la couronne.

En Angleterre, quand l’opinion publique s’est prononcée d’une voix claire et impérative, le gouvernement ne met pas son honneur à y résister. Le ministère tory qui dirigeait alors les affaires du pays présenta le 7 mars 1858 le bill des Indes, par lequel le gouvernement prenait pleine et entière possession de l’empire indien.