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de leurs droits, et avaient consenti à fournir au gouvernement une contribution annuelle de 52 sacs de roupies, soit 13 millions de francs.

Cette importante affaire terminée et l’ordre rétabli, le gouverneur ordonna le désarmement général de l’Oude. Pour se faire une idée de la force militaire de cette province et de la résistance qu’elle aurait pu opposer à la puissance anglaise, il suffit de supputer le nombre des armes que ses habitans remirent entre les mains de l’autorité : 684 pièces d’artillerie, 186,177 fusils, 565,321 armes blanches, 50,311 lances et 636,683 instrumens de guerre de diverse nature. De plus, on démolit 1,569 forts.

A peine lord Canning était-il heureusement sorti de cette menaçante insurrection qu’il se trouva en présence d’un mouvement qui éclata dans le corps de troupes arrivé depuis peu d’Angleterre. Levé en toute hâte pour remplacer les vides que la guerre de Crimée avait faits dans les rangs de l’armée anglaise, ce corps n’était qu’un ramassis de vagabonds qui n’avaient pris du service que pour jouir de la prime d’enrôlement et voyager aux frais de l’état. Mal commandés par des officiers qui n’avaient eu sous leurs ordres que des cipayes du Bengale, natures malléables et soumises, ils se montrèrent insubordonnés, et, quand ils apprirent que l’armée passait du service de la compagnie à celui de l’état, ils se servirent de ce prétexte pour réclamer une nouvelle prime d’enrôlement. Sur le refus positif du gouverneur, ils manifestèrent les dispositions les plus hostiles, et l’on crut un moment que l’on serait obligé de recourir à la force armée pour les soumettre ; mais il répugnait à lord Canning d’ordonner aux troupes royales qui étaient restées aux Indes, et dont la fidélité était à toute épreuve, de faire feu sur des compatriotes. Il préféra entrer en composition avec les rebelles, et les renvoyai en Angleterre au nombre de 7,000.

Ce nouveau danger écarté, lord Canning entreprit une tournée officielle dans les provinces supérieures. Il voulait s’assurer par lui-même de l’état du pays, s’entretenir avec tous les chefs, féliciter ceux qui étaient restés fidèles, stimuler les prudens, recommander à tous la loyauté envers la reine et la justice envers leurs propres sujets. Il se mit en route au mois de novembre 1859, et s’arrêta dans tous les chefs-lieux de province. Il tint dans chacun d’eux des grands levers ou dourbars auxquels étaient invités tous les seigneurs du pays. Il leur faisait entendre que leur bien-être et leur affermissement dans leurs droits ; et leur autorité étaient étroitement liés à leur fidélité au gouvernement anglais. Lorsqu’il fut à Agra, capitale, de la présidence du nord-ouest, il y fit venir les principaux, rajahs du Rajpoutana, et surtout trois d’entre eux