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de ces luttes l’action du fanatisme religieux. Vers la fin de 1859, un parti de musulmans, appartenant à une tribu montagnarde qui s’étend le long des frontières du Derajat, à l’ouest de l’Indus, assassina un officier anglais qui traversait la contrée en voyageur. Aucun autre mobile que la satisfaction de tuer, un infidèle ne les avait poussés à ce crime. Il fallut châtier cette tribu et la forcer à livrer le chef de la bande qui avait commis l’attentat. Comme elle continuait à manifester des dispositions hostiles, le gouvernement dut y diriger de nouveau un fort détachement, avec lequel ces bandits n’osèrent pas se compromettre. Ils firent leur soumission, et promirent de rester tranquilles. A l’autre extrémité des frontières nord-est, à 500 lieues de là, des habitans du petit état de Sikim se permirent d’enlever des femmes et des enfans sur le territoire soumis à la couronne britannique et de maltraiter des marchands. L’agent politique de ces contrées en donna connaissance au gouverneur, qui l’autorisa immédiatement à réunir quelques forces militaires pour aller punir ces malfaiteurs. S’imaginant qu’il n’avait affaire qu’à une poignée d’individus, l’agent anglais ne prit que quelques soldats avec une petite pièce de campagne, et se rendit au cœur même du pays. Il y avait un mois qu’il y était quand il fut attaqué par une troupe considérable, qui n’eut pas de peine à l’expulser et à s’emparer de sa pièce. Enorgueillis par ce succès, les Sikhnistes firent mine de vouloir attaquer Darjiling, ville dont les Anglais avaient fait un sanitarium. Le colonel Gauler reçut l’ordre d’aller à leur rencontre à la tête d’un détachement de 500 à 600 hommes. Les écraser et prendre la capitale du pays fut l’affaire de quelques jours. Le rajah, qui s’était prêté à cette levée de boucliers, dut se soumettre, et consentit à ce qu’un représentant anglais résidât auprès de sa personne.

A l’est du territoire de Sikim est situé le Boutan, qui faisait anciennement partie du Thibet, dont il partage encore la foi bouddhique. Séparé de ce dernier pays par les hautes cimes de l’Himalaya, il n’eut pas de peine à s’en détacher pour se former en un corps de nation et se créer une existence autonome. Quoique ce soit le pays le plus rapproché du Bengale et de Calcutta, il n’en a pas moins conservé son caractère semi-barbare et son ignorance de tous les droits internationaux. Voisins détestables, pour qui les traités n’ont pas d’autre valeur que celle que la force leur donne, ils se croient tout permis parce qu’ils sont défendus par leurs remparts naturels et l’absence de toute voie régulière de communication. Comme au Japon, le pays est gouverné par deux chefs, l’un spirituel et l’autre temporel. En 1863, la guerre civile y régnait, et jetait un inextricable désordre dans la classe dominante et dans les