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ordinairement d’une naissance moindre et d’un caractère moins rigide. Quoi qu’il en soit, ces discordes électorales, déjà très fréquentes au commencement du XIIe siècle, le furent plus encore dans la suite des temps. Pour y mettre un terme, on réserva le droit, d’élire les évêques aux chanoines des églises vacantes. Cette décision fut promulguée par Innocent III au concile de Latran en 1215. Il fut alors interdit au peuple des laïques non-seulement de participer aux élections, mais d’y assister ; elles se feront désormais en secret, dans les salles des chapitres, les portes closes, par voie de scrutin. La même exclusion fut tout à la fois prononcée contre les évêques de la province, les abbés, les moines, les prêtres, les autres membres du clergé diocésain et même contre les clercs attachés au service des églises cathédrales avec le titre de bénéficiera perpétuels. Les seuls chanoines, dirent les canonistes, font corps avec l’évêque, d’où cette conséquence, qu’ils doivent être seuls appelés à le nommer. L’établissement de ce régime tout nouveau fut généralement assez facile. S’il y avait alors peu d’esprits capables- de présager le futur divorce de l’église et de l’état, déjà parmi les laïques, occupés d’autres soins, on avait un moindre souci des affaires de l’église. Pour ce qui regarde le clergé, son exclusion le blessa peu : depuis longtemps, il avait pris des habitudes de soumission qui devaient le rendre moins sensible à la perte d’un droit. Les protestations du dehors ne vinrent donc pas troubler les chanoines capitulaires dans la jouissance du privilège qui leur avait été conféré par le concile de Latran. Cependant ce nouveau régime ne fut pas de très longue durée. Concentrées au sein des chapitres, les brigues électorales furent dès l’abord plus ’animées, pour devenir avec le temps plus scandaleuses. Presque toutes les élections furent bientôt suivies d’un appel au pape, d’un procès à plaider devant la cour de Rome, et dans un trop grand nombre de ces procès furent produites des preuves de corruption, de simonie. « Hélas ! hélas ! » s’écrie douloureusement un canoniste du XIIIe siècle, « aujourd’hui tout est mis en vente, et le temporel et le spirituel ![1]. » Si l’on est curieux de connaître toute la vérité sur les élections capitulaires, on la trouvera dans le précieux recueil des lettres pontificales extraites des registres du Vatican par M. La Porte du Theil[2]. Toutes ces lettres concernent la France, et le recueil finit avec le XIIIe siècle. Que de plaintes, que de griefs longuement exposés à la charge des électeurs et des élus, que d’enquêtes fâcheuses pour l’honneur des uns et des autres, que de choix

  1. Guide de Baisio, Director. élection., part. I, c. 14.
  2. Ce recueil est à la Bibliothèque impériale, département des manuscrits.