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conduite des opérations militaires le secret soit gardé religieusement, et que nul n’ait le droit de l’enfreindre, ce sont des exceptions commandées par la nature des choses pour le succès même, et qui d’ailleurs n’échappent pas à la loi générale de la responsabilité. Celle-ci en effet réclame ses droits plus tard et avec un redoublement d’exigence. Mais le fait de bien nourrir les soldats et de les bien vêtir, de les pourvoir de la couverture de caoutchouc, classique des Américains du Nord afin de les garantir de l’humidité du sol, — d’une couverture de laine qui les préserve de la diarrhée, de la dyssenterie, en leur maintenant au bivouac la chaleur vitale ; mais la prévoyance d’adjoindre à l’armée beaucoup de médecins, beaucoup d’infirmiers mieux dressés que le petit nombre qu’on en eut dans la campagne d’Italie de 1859 ; mais l’attention de se bien approvisionner de médicamens et de moyens de transport pour les blessés, d’avoir en quantité, pour les opérations chirurgicales, les instrumens les plus parfaits ; mais l’observation des lois de l’hygiène dans l’organisation des campemens, des ambulances et des hôpitaux, tout cela n’a rien de commun avec les mystères de la politique et de la stratégie. Ce sont des règles à l’égard desquelles il n’y a plus à discuter, qui sont connues, à Berlin aussi bien qu’à Paris, de quiconque a pris la peine de s’informer et de lire. Nous ferions une grande faute de ne pas nous en emparer pour nous-mêmes, et à cet égard tout dépend de l’administration de la guerre. Les chambres ne lui ont pas marchandé l’argent, et ne le lui marchanderont pas davantage à l’avenir tant que se prolongera la lutte ; avec ce nerf de la guerre, on aura tout le reste. En supposant qu’à l’heure où nous sommes il manquât quelque chose en ce genre aux préparatifs de la campagne, il est temps encore de combler les lacunes. La furia francese fait des miracles d’organisation en quelques jours, et le gouvernement y serait aidé par le patriotisme de toutes les classes.

Ces derniers mots me conduisent à un point qui a bien de l’importance, le concours du public pour les soins à donner aux blessés et aux malades. Les actes de dévoûment en ce genre étaient fort difficiles pendant la guerre de Crimée à cause de l’éloignement. Ce fut pourtant alors que miss Nightingale accomplit, au profit de l’armée anglaise, les prouesses de charité intelligente qui lui ont acquis la gratitude de ses compatriotes et l’admiration du monde ; La France, dans les mêmes circonstances, eut ses sœurs de charité, qui se surpassèrent, et c’est beaucoup dire. Pour la guerre actuelle, la France a devant les yeux un modèle qui a laissé dans les esprits une trace ineffaçable, la Commission sanitaire des États-Unis, dont le docteur Evans a résumé l’histoire à l’usage des Français. C’était