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phénomènes, et il en déduisit d’une façon générale que les tiges des plantes se dirigent toujours du côté de la lumière et s’infléchissent, s’il le faut, pour la recevoir. Il nota aussi que les feuilles tendent à se tourner du côté par où vient le jour. Payer fit des expériences plus précises. Il opéra sur de jeunes tiges de cresson alénois venues dans l’obscurité sur du coton humide. Ces tiges ont la propriété de se courber et de s’incliner rapidement quand elles sont placées dans une chambre éclairée d’un seul côté, ou bien lorsqu’elles sont mises dans une boîte dont une seule paroi reçoit la lumière. C’est d’abord la partie supérieure de la tige qui s’infléchit, la partie inférieure restant droite. Dans un deuxième mouvement, le haut se redresse et le bas s’incline, en sorte que la plante redevient presque rectiligne tout en étant penchée. Lorsque la plante est mise dans une chambre où la lumière arrive par deux fenêtres, on observe ce qui suit : si les deux ouvertures sont du même côté et introduisent une égale clarté, la tige se courbe dans la direction du milieu de l’angle formé par les deux faisceaux ; si l’une des deux fenêtres laisse pénétrer plus de lumière, la tige tend vers elle ; si les ouvertures sont placées en face l’une de l’autre, la tige reste droite au cas où la lumière qui arrive est égale de part et d’autre, et se dirige vers les rayons les plus intenses en cas contraire. Payer a trouvé en outre que la partie du rayonnement lumineux particulièrement active ici correspond au violet et au bleu. Les radiations rouges, orangées, jaunes et vertes, semblent ne déterminer aucun mouvement dans les plantes. M. Gardner a poussé encore plus avant l’investigation. Il a semé des navets et les a laissés se développer dans l’obscurité jusqu’à ce qu’ils eussent atteint de 5 à 7 centimètres de longueur ; puis il a projeté sur ce petit champ les couleurs du spectre solaire obtenues avec le prisme. Les plantes se sont inclinées vers un axe commun. Celles qui étaient exposées aux rayons rouges, orangés, jaunes et verts, se sont penchées vers le bleu foncé, tandis que la partie éclairée par le violet a suivi une direction opposée. Le semis a pris ainsi l’apparence d’un champ de blé courbé par deux vents contraires. Les navets placés dans la région bleue-violette regardaient le prisme. M. Gardner a reconnu de la sorte, comme Payer, que les rayons les plus réfrangibles sont ceux qui opèrent la flexion des jeunes tiges. Il a constaté aussi que ces dernières se redressent dans l’obscurité.

Ces expériences, reprises et variées de bien des façons par Dutrochet et M. Guillemin, ont constamment donné les mêmes résultats ; mais le phénomène en lui-même reste à peu près inexpliqué. Cette remarque s’applique également aux faits si remarquables d’enroulement des plantes volubiles. Les tiges de ces plantes s’enroulent