Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/11

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

CÉSARINE DIETRICH

SECONDE PARTIE (1).

Je reprends mon récit à l’époque où Césarine atteignit sa majorité. Déjà son père l’avait émancipée en quelque sorte en lui remettant la gouverne et la jouissance de la fortune de sa mère, qui était assez considérable.

J’avais consacré déjà six ans à son éducation, et je peux dire que je ne lui avais rien appris, car en tout son intelligence avait vite dépassé mon enseignement. Quant à l’éducation morale, j’ignore encore si je dois m’attribuer l’honneur ou porter la responsabilité du bien et du mal qui étaient en elle. Le bien dépassait alors le mal, et j’eus quelquefois à combattre pour les lui faire distinguer l’un de l’autre. Peut-être au fond se moquait-elle de moi en feignant d’être indécise, mais je ne conseillerai jamais à personnelle faire des théories absolues sur l’influence qu’on peut avoir en fait d’enseignement.

Ce qu’il y a de certain, c’est qu’au bout de ces six années j’aimais Césarine avec une sorte de passion maternelle, bien que je ne me fisse aucune illusion sur le genre d’affection qu’elle me rendait. C’était toute grâce, tout charme, toute séduction de sa part. C’était tout dévoûment, toute sollicitude, toute tendresse de la mienne, et il semblait que ce fût pour le mieux, car notre amitié se complétait par ce que chacune de nous y apportait. Cependant le bonheur qui m’était donné par Césarine et par son père ne remplissait pas tout le vœu de mon cœur. Il y avait une (1) Voyez la Revue du 15 août.