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battus, mais à l’intérieur d’un de leurs ports ; ils s’étaient vantés d’être une puissance maritime, mais quelle raison avait-on de croire qu’ils fussent en état d’armer un seul navire de guerre ? De toute manière, la proclamation royale était prématurée ; elle aggravait la situation, elle augmentait les embarras du gouvernement fédéral. Ces objections ont autre chose qu’une valeur historique, car le fait d’avoir accordé trop tôt aux rebelles la qualité de belligérans pèse encore aujourd’hui sur les rapports de l’Union avec la Grande-Bretagne. C’est encore l’un des griefs que le peuple américain adresse à l’Angleterre. Ce grief est-il mérité ? Nous espérons qu’après avoir lu ce qui précède, on pensera qu’il n’en est rien. La proclamation de la reine ne fut que la reconnaissance d’un fait incontestable qu’il y avait urgence à ne pas retarder. Que les confédérés fussent capables d’armer des corsaires et de faire la course, les événemens l’ont prouvé. Or il y avait sur les côtes d’Amérique beaucoup de navires de commerce et de navires de guerre aux couleurs britanniques. Convenait-il de laisser aux premiers le danger d’être exposés sans avis préalable aux accidens de la guerre, et aux seconds le pénible devoir de traiter en pirates les braves gens qui navigueraient sous le pavillon confédéré ?

Au surplus, ce n’est pas seulement en fait, mais aussi en droit, que la proclamation de neutralité de l’Angleterre se justifie. Quand des rebelles réussissent à établir un gouvernement effectif, à se rendre maîtres incontestés d’un territoire, à organiser des armées, le respect dû à l’indépendance nationale exige que les nations étrangères acceptent ces faits sans qu’elles aient l’obligation de décider de quel côté est le bon droit ; pour les besoins de la circonstance, elles doivent voir dans les deux belligérans deux sociétés séparées et rester neutres dans le conflit. Les conditions posées ci-dessus n’existaient-elles pas aux États-Unis ? Comment ne pas reconnaître deux belligérans ? Comment contester l’état de guerre, puisque le président Lincoln le proclamait lui-même aux dépens des neutres en annonçant que les côtes du sud seraient bloquées par les escadres fédérales ?

Le code maritime, qui fixe en temps de guerre les droits et les devoirs respectifs des belligérans et des neutres, est l’œuvre, on le sait, de la conférence réunie à Paris en 1856, et a été consenti par la plupart des nations civilisées ; Ce code se résume dans les quatre articles que voici : 1° la course est et demeure abolie ; 2° le pavillon neutre couvre la marchandise ennemie à l’exception de la contrebande de guerre ; 3° la marchandise neutre, à l’exception de la contrebande de guerre, ne peut être saisie sous pavillon ennemi ; 4° le blocus n’est obligatoire qu’autant qu’il est effectif,