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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/113

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a maintenant et il n’y a jamais eu ici qu’une seule puissance, connue sous le nom d’États-Unis d’Amérique, compétente pour faire la paix et la guerre, conclure des traités de commerce et d’alliance. Il n’y en a pas d’autre ni en fait ni aux yeux des nations étrangères. Il y a bien, il est vrai, une sédition à main armée qui cherche à renverser le gouvernement, et contre laquelle le gouvernement emploie les armées de terre et de mer dont il dispose ; mais ce fait ne constitue pas un état de guerre, n’institue pas deux puissances belligérantes, et ne modifie pas plus notre caractère national, nos droits, notre responsabilité, que le caractère, les droits et la responsabilité des nations étrangères. »

M. Seward allait même plus loin dans les instructions confidentielles adressées à ses agens. Le 21 mai, il écrit à M. Adams « de suspendre tout rapport, officiel ou officieux, avec le cabinet britannique, si les ministres anglais ont la moindre communication avec les représentans du gouvernement confédéré. Un autre jour, il déclare ab irato que les corsaires du sud seront traités comme pirates. Par bonheur, ces instructions catégoriques ne furent pas écoutées à la lettre. M. Adams était un diplomate sage et prudent qui, par une conduite réservée, sut éviter à son pays des complications fâcheuses. Nous allons en voir un autre exemple.

Dès le mois de mars 1861, M. Jefferson Davis avait envoyé des délégués en Europe ; mais ces agens n’avaient pas été reçus officiellement. A Londres aussi bien qu’à Paris, on les avait traités comme de simples particuliers, et l’on avait évité d’entrer en correspondance avec eux. M. Davis résolut alors d’envoyer à ces deux cours des missions plus solennelles. Les ambassadeurs désignés étaient M. James Mason, Virginien de grande réputation et ancien ministre américain à Paris, et M. John Slidell, de la Louisiane, qui avait précédemment représenté les États-Unis au Mexique. Ils avaient pour secrétaires MM. Macfarland et Eustis. Partis de Charleston dans la nuit du 12 octobre sur un steamer de la marine confédérée, ils esquivent le blocus, débarquent à Cardenas dans l’île de Cuba, et prennent place comme passagers sur le paquebot-poste anglais le Trent, qui faisait un service régulier entre la Vera-Cruz et Saint-Thomas, avec l’intention de prendre dans cette île la correspondance de Southampton. Il y avait alors dans les parages de Cuba un bâtiment à vapeur de la marine fédérale, le San-Jacinto, qui croisait depuis six semaines, en quête du corsaire confédéré le Sumter. Le capitaine Wilkes, commandant du San-Jacinto, arrivait à La Havane tandis que les émissaires du sud y attendaient le moment de s’embarquer ; il eut l’adresse de se faire renseigner sur leurs intentions. Il fit aussitôt ses préparatifs, et reprit la mer en toute