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Allemagne plus encore qu’en France, on semble trop disposé à les méconnaître. Sous ce rapport, la conduite tenue par l’Angleterre de 1861 à 1865 et l’ardeur qu’elle met à se justifier aujourd’hui des reproches que lui adressent les Américains ne peuvent que rassurer nos préoccupations patriotiques. Les principes soutenus par l’Angleterre, les voici : violer le blocus, faire le commerce de la contrebande de guerre, ce ne sont ni des crimes ni des délits de droit commun ; ce sont simplement des infractions aux lois de la guerre ; il n’importe et il n’appartient qu’aux belligérans de les punir, et la seule peine dont soient passibles les coupables est la confiscation des marchandises saisies. Lorsqu’une grande nation industrielle comme l’Angleterre se déclare neutre dans une guerre qui commence, ses sujets conservent la liberté de vendre aux deux belligérans, à leurs risques et périls, ce qui est contrebande de guerre aussi bien que ce qui ne l’est pas. Sans doute ceci tourne au détriment de celui des deux belligérans qui est le plus faible sur mer ; mais qu’y faire ? Voudrait-on par hasard que les neutres eussent souci de rétablir l’équilibre entre les deux partis en lutte ? Alors ils ne seraient plus neutres. Si les États-Unis n’alléguaient d’autre grief contre l’Angleterre que la violation systématique du blocus par les blockade-runners, le différend serait sans doute déjà concilié. Ce qui a envenimé la querelle, ce sont les achats de navires que les confédérés firent sans trop de peine sur le marché anglais. L’exposé des faits fera voir que la Grande-Bretagne ne se justifie pas aussi facilement de ce dernier grief.


H. BLERZY.