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Germanie, aujourd’hui comme autrefois, peut mettre en mouvement des tribus entières ; elle est encore une sorte de réservoir d’hommes auquel il suffit d’ouvrir les écluses pour qu’il s’en précipite en un moment un flot énorme et en apparence irrésistible ; mais c’est là une force qui s’épuise, incapable de se renouveler et de réparer ses pertes. Le système français, dans des mains habiles et prudentes, est supérieur ; il a des ressources plus nombreuses et mieux distribuées, il peut mieux rétablir une position chancelante ou compromise, il a une solidité plus à l’épreuve du temps et de la fortune. La confédération de l’Allemagne du nord a, sur le pied de paix, 313,000 hommes, 900,000 sur le pied de guerre ; la Bavière, le Wurtemberg et Bade comptent ensemble 95,000 soldats en temps de paix et 204,000 en temps de guerre. Si l’on réunit toutes les parties de l’Allemagne qui sont actuellement en lutte contre nous, l’on voit que leurs armées permanentes se montent à 408,000 hommes et leurs troupes disponibles pour un conflit à 1,104,000. Et ce n’est pas là un effectif de fantaisie destiné à satisfaire la fatuité des administrateurs ou à éblouir l’ignorance du vulgaire ; ce sont des troupes réelles que quelques semaines suffisent pour mobiliser et réunir. Le mérite de l’organisation prussienne, c’est que le pays est toujours prêt et ne se trouve jamais pris au dépourvu. Le moindre ordre parti de Berlin opère comme une baguette magique, sauf dans quelques provinces nouvellement annexées et légèrement réfractaires. En temps de paix, les corps d’opération sont déjà formés ; ils ont leurs chefs, et l’administration centrale, pour les préparer à la guerre, n’a presque aucun travail à exécuter. Le système français est plus compliqué, le passage du pied de paix au pied de guerre se trouve moins facile ; il faut dans l’administration centrale plus d’efforts et de prévoyance. Nous sommes davantage à la merci du ministre de la guerre et de ses auxiliaires ; de leur capacité dépend la perfection de nos armemens. Tout en effet est à combiner et même à improviser dès qu’apparaît la menace d’un conflit. Nous risquons ainsi de n’être pas complètement prêts au début des hostilités ; mais nous avons d’inépuisables ressources dans notre énergique population. Après de sérieux échecs, il nous suffit de quelques semaines pour nous reformer et fortifier ou compléter nos rangs. La promptitude de l’esprit français peut s’accommoder à cet armement précipité, qui serait impossible chez toute autre nation. Au 1er janvier 1869, notre armée active avait sous les drapeaux un effectif de 441,437 hommes, dont 69,000 étaient cantonnés en Afrique et dans les états romains. A la même époque, les hommes disponibles dans leurs foyers s’élevaient au chiffre de 146,771, ce qui portait le total de l’armée active à 588,208. L’effectif de la