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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/194

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trouble et sans confusion. Rien n’est plus facile que de multiplier les propositions, de revenir chaque jour sur ce qu’on a fait la veille, de parler sans cesse de levées en masse, d’armement universel. On ne sait pas au juste ce que produisent ces déclamations et ces confusions ; elles se répercutent dans le pays, elles ne refroidissent pas son patriotisme, mais elles le troublent. Les populations de la campagne surtout finissent par se demander à quoi elles doivent s’attendre ; elles ne refusent pas les sacrifices nécessaires, elles s’inquiètent parce qu’elles ne voient pas la mesure de dévoûment et d’abnégation qu’on réclame d’elles. L’incertitude les gagne, lorsque la netteté et la précision les rassureraient. Il s’est trouvé heureusement un homme aujourd’hui qui donne l’exemple de cette méthodique énergie, qui a le caractère d’un organisateur : c’est le ministre de la guerre. Pendant qu’on parle dans le corps législatif ou ailleurs, le général Montauban agit et procède avec un calme imperturbable, qui a tout de suite assuré son autorité. En homme exercé et qui sent le prix de l’ordre, M. le ministre de la guerre fait les choses l’une après l’autre en commençant toujours par l’essentiel, et c’est ainsi que par une création régulière et permanente les régimens se forment, les divisions s’organisent, les corps d’armée sont prêts à entrer en campagne au premier appel. Ce qui est certain, c’est que le comte de Palikao, sans se laisser détourner par les événemens, manie avec une fermeté tranquille tous les ressorts d’une armée qui sous sa direction se fortifie et grandit de jour en jour. Et qu’on le remarque bien, ces créations qui se succèdent ne sont pas seulement sur le papier, elles existent, elles sont dès ce moment le bouclier de la France, la garantie d’une action résolue. Tenir nos armées d’opération prêtes à poursuivre la guerre partout où paraîtront les Prussiens, mettre Paris en état de répondre dignement à une audacieuse insulte de l’ennemi, c’était là le double but. Le comte de Palikao a pourvu à l’armement, M. le ministre du commerce pourvoit chaque jour à l’approvisionnement de Paris. M. Clément Duvernois, le nouveau ministre, a porté dans des fonctions assurément difficiles et périlleuses aujourd’hui de la jeunesse, de la bonne volonté et une activité infatigable. M. Thiers s’est plu à reconnaître le zèle intelligent de M. le ministre du commerce, et l’illustre homme d’état lui-même, le créateur des fortifications de Paris, a fini par accepter patriotiquement une place dans le comité de défense à côté de M. Daru, de M. de Talhouët, sous la présidence du général Trochu, qui est chargé de montrer aux Prussiens ce qu’il en coûterait d’assaillir la grande cité parisienne. Désormais armemens et approvisionnemens sont prêts pour une extrémité qu’on redoute moins depuis qu’on se sent en mesure de la défier. Encore une fois, tout cela s’est fait en quelques jours par la puissance de l’ordre, qui est la première garantie de l’efficacité de la défense nationale dans cette redoutable crise.

Il y a une autre condition qui n’est pas moins nécessaire pour le suc-