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pouvait aborder l’ennemi qu’en engageant une action générale, où l’on aurait contre soi la disposition du sol, et le maréchal jugeait ne devoir point s’y commettre sans l’agrément du roi, il demandait prudemment de nouveaux ordres. Le roi craignit que Villars ne différât trop d’agir, de quelque manière que ce fût, et que les ennemis ne profitassent de cette hésitation. Il répondit donc le 21 juillet (la lettre de Villars était du 20) pour lui expliquer de nouveau ses intentions sur la nécessité de débloquer Landrecies et sur la liberté, qu’au demeurant il laissait au maréchal, d’employer les moyens qui lui sembleraient les plus praticables. Voici cette dépêche solennelle et hâtive du 21 juillet, datée de Fontainebleau :

« J’ai reçu la lettre que vous m’avez écrite d’hier au soir, par laquelle vous marquez que la nature du terrain que vous avez été reconnaître ne vous permet pas d’attaquer les ennemis en-deçà de la Sambre, et qu’en passant cette rivière avec mon armée entière vous vous trouverez dans la nécessité d’engager une action générale que le comte de Coigny vous a dit ne pouvoir être donnée qu’avec désavantage par la nature du lieu, et vous demandez mes ordres. Je ne crois pas pouvoir mieux m’expliquer que j’ai fait par mes lettres précédentes. Mon intention n’est pas de vous engager à faire ce qui est impossible ; mais, pour tout ce qu’il est possible d’entreprendre pour secourir Landrecies et empêcher que les ennemis se rendent maîtres de cette place, vous devez le faire. Votre lettre n’explique point en quoi consiste le désavantage qui peut se trouver en attaquant les ennemis entre la Sambre et le ruisseau de Prisches. Je suis persuadé, que les ennemis ne manqueront pas de profiter du temps que vous leur donnez, et la chose demande une détermination plus prompte. Vous pourriez également prendre votre parti sur mes précédentes lettres, que je ne fais que vous, confirmer par celle-ci, sans demander de nouveaux ordres, le suis persuadé que vous n’omettrez rien, dans toutes les meilleures dispositions qui peuvent se prendre, pour le succès d’une chose aussi importante. Vous ne m’avez point mandé si toute l’armée des ennemis s’était rassemblée. Le sieur de Tingry (qui commandait à Valenciennes) pourrait profiter de ce temps pour attaquer les postes de communication des ennemis du côté de Marchiennes, qui seront apparemment bien dégarnis. Le marquis de Saint-Frémont pourrait aussi faire paraître quelques détachemens vers le côté de Maubeuge pour donner de l’inquiétude aux ennemis, dans le temps que vous voudrez les attaquer. Enfin c’est à vous à déterminer et le temps et le lieu de l’action et à prendre tous les meilleurs arrangemens pour y réussir. »

La dépêche du roi se croisait avec une lettre que l’actif maréchal adressait, ce même jour 21, du Cateau, au ministre Voysin, et qui détruit les suppositions malveillantes de Saint-Simon. La voici : elle est digne qu’on s’en souvienne pour l’honneur de Villars.