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production agricole, pour quelle part entrent nos laines ? Pour une part de 60 à 70 millions. Sans doute c’est beaucoup en soi ; mais n’est-ce pas aussi très peu par rapport à l’ensemble ?

Nous comprenons les plaintes des cultivateurs, pour qui toute la question se résume à trouver un moyen de réparer les pertes qu’ils ont personnellement subies ; mais se figurent-ils que nous puissions fermer nos frontières et nos ports à certaines sortes de marchandises sans que les autres nations, par une réciprocité inévitable, nous privent à leur tour des débouchés qu’elles nous ont ouverts ? Interdisons l’accès de nos marchés aux laines étrangères, soit ; mais cela ne peut se faire isolément, cela entraîne tout un système, et du même coup il faudra nous attendre à ce que les autres états relèvent les barrières qu’ils ont abaissées. Il faudra donc alors consommer nos produits chez nous ! Terrible coup pour notre industrie ; mais pour ne parler que de ce qui touche directement l’agriculture, n’oublions pas que l’Angleterre, la Belgique, l’Italie, les Pays-Bas, la Russie, le Zollverein, la Suisse, nous prennent nos blés sans droits ou avec des droits insignifians. Nous envoyons, sans rien payer, nos bœufs, nos moutons, nos chevaux à l’Angleterre, et les autres états de l’Europe ont notablement réduit les droits qu’ils percevaient sur chaque tête de bétail importé. Presque partout nos vins sont encore soumis à des droits de douane que nous trouvons avec raison trop élevés, mais qui enfin sont assez faibles pour n’en plus arrêter la consommation nulle part. Si ce n’est en Angleterre et en Russie, nos alcools ne rencontrent plus d’obstacles infranchissables. Nous pouvons également expédier nos sucres à peu près partout. Nos huiles de graines, exemptes en Angleterre et en Belgique, ne paient que peu de chose en Autriche, en Espagne, en Italie, aux Pays-Bas, en Suisse, dans le Zollverein. Grâce à l’abaissement ou à la suppression des tarifs, il se fait dans tous les pays une grande consommation de nos soies. Nos fromages et nos Leurres ne paient aucune taxe en Angleterre et ne paient ailleurs que très peu de chose, si bien que le commerce en est prodigieux. Parlons pour mémoire de nos œufs et de nos volailles, qui presque toujours entrent en franchise. Qu’arriverait-il si, étouffant soudain la liberté commerciale naissante, on prétendait que chaque peuple vécût comme enfermé dans une île inabordable ? Revenir aux vieilles théories, voilà ce qui serait la ruine de toute industrie et de tout commerce, et cela est si vrai que, parmi les peuples de l’Europe, ce sont les plus barbares et les plus misérables qui gardent les tarifs les plus exorbitans. On demande ce que protègent les droits protecteurs aux frontières d’Espagne et de Russie, et quel bénéfice en retirent ces deux nations. Quant à penser que, tout en conservant les avantages.de la liberté pour le reste de nos produits, il