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Page:Revue des Deux Mondes - 1870 - tome 89.djvu/675

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répandu parmi leurs députés et généraux. Sans cela, les places (Marchiennes, etc.) n’auraient pas été prises. »

Quant à nos plénipotentiaires, ils firent preuve d’une réserve du meilleur goût, ce qui n’empêchait pas l’abbé de Polignac d’écrire à M. de Torcy : « Nous prenons la figure que les Hollandais avaient à Gertruydenberg, et ils prennent la nôtre. C’est une revanche complète. » Cependant, malgré leur attitude contenue, un incident burlesque faillit leur susciter une affaire sérieuse. Le jour où la nouvelle de Denain parvint à Utrecht, M. Mesnager, passant en carrosse devant l’hôtel d’un député d’Over-Yssel au congrès, le comte de Rechteren, ses laquais auraient fait de leur siège, disait-on, un geste railleur aux valets du député hollandais. De là une plainte de M. de Rechteren à M. Mesnager, dont les gens nièrent l’offense reprochée. M. de Rechteren donna d’abord à sa réclamation une forme diplomatique. Il envoya un secrétaire chez M. Mesnager pour lui lire une note à laquelle celui-ci répondit qu’il s’informerait de la vérité du fait, et que dès l’après-midi il rendrait réponse. La réponse fut que M. Mesnager était très éloigné de souffrir que ses domestiques fissent la moindre offense à personne, et particulièrement aux gens de M. le comte de Rechteren, qu’il ne voulait point entrer dans l’examen si des grimaces ou des gestes faits de loin par des laquais à d’autres laquais, en passant derrière le carrosse de leur maître, sont des insultes à un ministre, qu’il était prêt à remettre à M. le comte de Rechteren ceux qu’il aurait vus commettre ces indécences, et par là perdre le respect à son égard, mais que les laquais français niaient le fait imputé. M. de Rechteren répondit que la vérité était qu’il n’avait point vu les grimaces ou les gestes indécens, mais qu’il conviendrait d’envoyer chez M. Mesnager ses laquais pour reconnaître ceux dont il se plaignait. Le plénipotentiaire français observa que cette perquisition ne serait pas juste, parce que, outre que ce serait livrer les accusés aux accusateurs, ce qui est contre la règle ordinaire, il en arriverait de la part des domestiques des récriminations qui formeraient de nouvelles querelles. Sur quoi M. de Rechteren répliqua : « Les maîtres et les valets se feront donc justice. Je suis revêtu du caractère d’un souverain aussi bien que vous, et je ne suis pas homme à recevoir des insultes. » Le ministre hollandais, ayant alors aperçu des gens de sa livrée, leur dit quelques mots en leur langue, et peu après les laquais de M. Mesnager vinrent se plaindre que les gens de M. de Rechteren les avaient surpris par derrière et maltraités de coups. Comme M. Mesnager en témoignait sa surprise et son indignation, M. de Rechteren répondit en présence de plusieurs de ses collègues au congrès : « Toutes les fois qu’ils le feront, je les récompenserai, et s’ils ne le faisaient pas, je les chasserais. » Sur ces paroles, M. Mesnager s’éloigna